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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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que je crus entendre, ne branlait
pas, lui, dans sa résolution. Il voulait la coche et les chevaux, moins se peut
par appétit du lucre que pour l’honneur d’avoir volé une carrosse au roi et de
s’en pouvoir paonner jusqu’à la fin de ses jours.
    — Cocher, dis-je à voix basse, couche-toi entre les
deux roues arrière de la carrosse et tire sur quiconque voudra toucher à tes
chevaux.
    — Monsieur, dit le cocher, entre les roues arrière
coule justement le ruisseau du mitan de la rue, et avec votre respect, il est
brenneux et pisseux.
    — Faquin, dit Beringuen, as-tu ouï le commandement du
marquis de Siorac ?
    — Avec respect, Monsieur, dit le cocher. Mais avec
votre respect, Monsieur le Marquis, je ne suis pas à vous, mais au roi.
    — Cocher, dis-je, c’est raison. Voici donc deux écus
pour te faire nettoyer ta livrée.
    — Monsieur le Marquis, dit-il, à ce prix, je me
vautrerais dans le bren et la pisse une heure durant.
    — Va donc, dis-je.
    Quoi disant, je tendais l’oreille pour distinguer ce qui se
disait derrière la barricade, et aussi pour tâcher d’ouïr derrière nous les
sabots de notre escorte sur les pavés. Ventre Saint-Antoine, m’apensai-je,
Miroul me faillir en tel désespéré péril ! À ce moment, la pluie redoubla,
et je recommençai à trembler pour nos amorces.
    — Monsieur, dit le cocher à voix basse, les voilà qui
retirent les charrettes à bras du passage !
    — C’est qu’ils veulent se saisir des chevaux et amener
la carrosse à eux. Sais-tu tirer ?
    — Passablement.
    — De la main droite ?
    — Oui-da.
    — Appuie ta main droite sur ton bras gauche et ne tire
qu’à coup sûr. Tâche de ne pas atteindre les chevaux.
    — Oui-da !
    Suivit alors des deux parts un silence si profond qu’on
entendit distinctement les musiques de l’hôtel de Biron et un grand rire de
femme, clair et joyeux. Cornedebœuf ! m’apensai-je : ils dansent et
on nous assassine !
    — À moi, Biron ! criai-je à gorge rompue.
    — Monsieur, dit le grand vaunéant en ricanant, vous ne
croyez donc plus à votre escorte que vous appelez Biron !
    — Compagnon, dis-je, tu verras bien…
    — Moi, se peut, mais vous point, Monseigneur. Car
alors, nous aurons fait de la dentelle italienne avec vos tripes.
    — Voire !
    — Tant promis, tant tenu !
    — Monsieur, dit le cocher à voix basse, je distingue une
paire de gambes entre les deux chevaux.
    — Tire !
    Son chien claqua et son coup fit long feu. Je me baissai
promptement pour lui bailler une autre amorce, doutant fort en mon cœur
trémulent qu’il aurait le temps de la fixer.
    — Voilà, dit le grand gautier, un mignon petit pistolet
qui a failli ! Compagnons, reprit-il d’une voix forte et déprisante,
qu’avez-vous devant vous ? Je vais vous le dire ! Des amorces
mouillées et des poules qui baissent les ailes. Finissons-en, mes gentils loups !
Courons sus à ces couards ! Et réservez-moi ce grand jacasseux de
merde ! J’ai besoin de sa gorge pour aiguiser mon cotel !
    Deux coups éclatèrent alors simultanément, celui du cocher
qui faucha l’homme qui tâchait de saisir la bride des chevaux et le mien qui,
la Dieu merci, ne me fit pas défaut et atteignit le grand gautier. Au même
instant, on entendit derrière nous un grand galop de sabots sur le pavé et des
huchements à gueule bec si épouvantables que le reste de nos beaux coqs
s’égaillèrent comme poussins de basse-cour, laissant deux hommes sur le pavé,
l’un mort, l’autre promis à la corde.
    — Cornedebœuf, chevalier ! criai-je. Pourquoi si
tard ?
    — Et par tous les démons ! cria La Surie hors
de lui, pourquoi départir du logis si vite et sans escorte ?
    À quoi, combien que je fusse bouillant de rage, je ne
répliquai rien, ne voulant pas offenser Miroul devant Beringuen, à qui je
demandai de me bien vouloir permettre de pénétrer seul chez Biron, pour la
raison que si on le voyait, lui qu’on savait être au roi, venir troubler un
ballet à deux heures du matin pour quérir Rosny et l’amener à Sa Majesté,
Biron le voudrait de force forcée accompagner, ce qui ne manquerait pas de
contrarier Henri qui l’aimait peu, n’ayant guère fiance en lui.
    Beringuen consentit et pour moi, prenant un dehors riant et
nonchalant, quoique le cœur me serrât prou de cet « affreux malheur »
qui avait à ce point décomposé Beringuen, j’entrai chez Biron et l’allai de
prime saluer, sachant

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