La pique du jour
faire fouiller. Au reste, je ne désire rien tant que ça :
le renard ne tirera rien de ce poulailler-là. Espérez-moi un petit. Je vais
prévenir Pissebœuf.
Lequel, fort sagement assis sur le tapis, jouait aux dés
avec Poussevent, ayant bien entendu que le moment était mal choisi pour
crocheter une porte.
— Moussu, dit Pissebœuf en se levant pour me marquer
quelque respect, mais gardant son ton badin sans lequel il eût cru perdre
l’honneur, si Pissebœuf cachait les chiots d’une chienne, même la mère ne les
retrouverait pas, eût-elle le meilleur nez du monde.
Tout gasconnant qu’il fût, il n’errait pas, car la fouille,
qui fut lente, pesante et méthodique – autant dire espagnole – et
inclut même nos deux valets, ne donna rien, encore que nos geôliers allassent
jusqu’à inspecter, à l’écurie, le harnachement de nos chevaux.
— Et pourquoi pas aussi leurs culs ? dit
Pissebœuf.
Nos inquisiteurs départis, j’allais retrouver Pissebœuf en
ma chambre, et me jetant sur un cancan, étant quelque peu lassé de ma nocturne
chevauchée, j’observais, l’œil mi-clos, demi sommeillant, mais de reste fort
curieux, ses ingénieux labours. Belle lectrice, si un jour votre méchant mari,
suspicionnant à tort votre adamantine fidélité, vous serre prisonnière en vos
appartements et vous y clôt à double tour, laissant toutefois, à l’extérieur,
la clef, voici la recette pissebœuvienne de votre liberté : ayant pris un
peu de farine, vous la pétrissez avec de l’eau, afin que d’en faire une pâte
bien collante que vous étalez sur une feuille de papier, laquelle vous glissez
sous la porte à l’aplomb de la serrure. Après quoi, armé d’un fil de fer, vous
l’introduisez dans ladite serrure et par degrés, poussez doucement la clef
hors. Si votre main est aussi habile que celle de Pissebœuf, ladite clef doit
tomber sur le papier où la farine gluante doit la garder de rouler hors
d’atteinte. Vous tirez alors vers vous précautionneusement le papier, et la
clef des champs et des ébats champêtres est vôtre, laquelle vous permet, à la
nuit tombante, et masquée, d’aller conter à votre confesseur l’outrage que ce
fol de mari vous a fait. J’entends bien qu’il faut que la fente sous la porte
soit grande assez pour laisser passer et la feuille et la clef. Et j’entends
aussi que le difficile, une fois que vous serez revenue au logis, est de
remettre les choses en leur primitif état, et de vous reverrouiller vous-même
en vos appartements, la clef restant à l’extérieur. Il se peut, toutefois, que
vous puissiez alors trouver une personne connivente pour vous raccompagner
jusqu’à votre porte et vous enfermer. Quant à moi, je me permets de suggérer
que cette personne soit votre confesseur, puisque ayant jà la charge de votre
âme, il doit désirer préserver votre joli corps des brutalités d’un mari.
Je fis à Pissebœuf tous les merciements et les compliments
que demandaient et son exploit et sa piaffe, et lui baillant, en outre, un écu
pour sa peine, je l’envoyai ainsi que Poussevent, se reposer des fatigues de sa
nocturne chevauchée. Et resté seul, la clef de la petite porte basse dans la
main, je balançai à l’utiliser tout de gob, mais à la parfin me ravisai et
voulant de prime me défatiguer de ma nuit, je me jetai sur la coite, ayant tout
juste le temps, devant que de m’ensommeiller, de regretter l’absence de mon
Miroul, qui ayant été avec moi, depuis nos quinze ans, en tous les périls que
j’avais encourus, m’avait immensément assisté de ses conseils et de son bras.
À ma montre-horloge (celle que j’arborais en sautoir du
temps que je portais ma déguisure de marchand-drapier), je vis à mon réveil,
que j’avais dormi deux heures à peine et me sentant encore tout chaffourrée de
sommeil, je me passai un peu d’eau sur la face et allai quérir Pissebœuf en sa
soupente pour fixer dans mon dos et sous mon mantelet mes dagues à l’italienne.
Je noulus qu’il m’accompagnât, comme il l’offrit aussitôt,
et lui demandai de rester céans, afin de prévenir M. de Quéribus de
ma part de ne bouger ni orteil ni petit doigt dès que je serais hors.
Je suis bien assuré que mon Pissebœuf eût aimé, à cette
occasion, jouer les Miroul, mais je ne l’avais jamais mis sur ce pied-là avec
moi, et encore que sa longue et maigre face trahissait la déception de ne point
m’accompagner en mon équipée, il
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