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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Joinville, et
prétendant, comme tous les Guise, descendre de Charlemagne, vous lui devez,
comme le marquis de Siorac et moi-même, un salut à peine moins profond d’un
degré que celui que vous faites au roi, à savoir le buste à demi plié, et les
plumes du chapeau à dix pouces du sol. En outre, à son entrée, le visage grave
et les yeux baissés, lesquels il ne faut relever que lorsqu’il nous adressera
la parole.
    — Monsieur mon frère, lui dis-je à l’oreille, peux-je à
vous-même rappeler que si le duc, par une question ou un propos, vous jette
dans l’embarras, vous devez contrefeindre une intempérie ou une pâmoison qui me
permette de prendre le relais.
    — Ventredieu ! dit Quéribus, je n’aurais garde de
l’oublier ! Et du diantre si j’entends comment vous pouvez vous sentir à
l’aise au milieu des infinies brouilleries de vos missions ! Il en
faudrait mourir !
    —  J’aimerais mieux que non pas, dis-je en riant.
    Mais mon rire fut coupé net, car la porte se déclouit avec
fracas, et le baron de La Tour, apparaissant, hucha d’une voix forte :
    — Messieurs ! Le duc !
    Ayant dit, il se plaça à côté de l’huis, se découvrit, le
buste, comme avait si bien dit Quéribus, à demi plié, l’œil baissé, les plumes
du chapeau à dix pouces du sol. Nous l’imitâmes incontinent.
    — Messieurs, dit une voix nasale et de moi tout à plein
déconnue, je vous salue bien.
    Je levai les yeux. C’était le « duc du
Rethelois » ! Cornedebœuf ! Quelle indigne ruse ! Dans
quelle poêle on nous faisait tomber ! Roulés que nous étions dans quelle
odieuse farine ! Je vis mon Quéribus et pâlir, et rougir, et je crus un
moment qu’il allait mettre la main sur la poignée de son épée, ce qui eût été
folie, car le « duc » était fortement accompagné, et n’attendait, à
ce que je crois, qu’un geste menaçant ou une parole fâcheuse de notre part pour
achever de nous faire frire. Par bonheur, mon Quéribus, se ramentevant mes
objurgations, choisit de se pâmer, ce qu’il fit à merveille, les narines
pincées, l’œil révulsé et les lèvres trémulentes ! Feintes qu’il avait
apprises, comme j’ai dit, pour atendrézir, à la Cour, le cœur des cruelles. Me
détournant alors, je fis signe à ses gentilshommes de le bien vouloir soutenir
et mener jusqu’à un cancan qui se trouvait là et quant à moi, faisant face au
Saint-Paul, je lui fis de prime un second salut, pour me donner le temps de réfléchir
comme je l’allais adresser, trouvant indigne de moi de l’appeler
« Monseigneur » et fort imprudent, étant donné l’immense présomption
du guillaume, de lui dire un « Monsieur » tout sec.
    — Monsieur le Maréchal de France, dis-je à la parfin
(préférant, s’il fallait faire la part du feu, reconnaître un titre militaire,
plutôt qu’un titre de noblesse), je vous fais toutes mes excusations pour la
soudaine intempérie de mon beau-frère le marquis de Quéribus, lequel, dès ses
plus vertes années, a été sujet à ces fâcheux malaises…
    Je n’en restai pas là. Entendant bien qu’avec un gautier de
cet acabit, la courtoisie était ma meilleure défense, j’étirai mes compliments
à l’aune de sa vanité, et discourus dans cette veine pendant cinq bonnes
minutes, l’envisageant cependant fort curieusement, quoique avec un apparent
respect. Sa taille, comme celle du jeune duc de Guise, tirait vers le
petit, mais alors que le prince de Joinville m’avait paru quelque peu estéquit
en son torse, ce Saint-Paul était dru, râblé et musculeux, son cou et ses
épaules annonçant beaucoup de force. En outre, sa face était imposante assez,
avec un front large et bossué, un nez gros et courbe, un menton qui tendait
vers le prognathe (comme celui de son maître le roi d’Espagne), des cheveux abondants,
ondulés, rejetés en arrière et si bien testonnés que pas un poil ne passait
l’autre ; une barbe fort bien taillée au carré, et une grosse moustache
virilement relevée en crocs aux deux bouts : le tout posé sur une fraise
très large, comme celles qu’affectaient les archiligueux pour moquer les
petites fraises austères des huguenots. J’oserais dire que les soins et les
labours qui avaient façonné et léché cette majestueuse apparence trahissaient à
vue de pays la folle arrogance du « duc du Rethelois ». Mais l’œil ne
manquait pas d’esprit, quoique le regard fût menaçant et

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