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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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je me
retrouvai sondé jusqu’au tréfonds et, en un mot, si possédé par son art et ses
enchantements qu’à peu que je ne lui avouasse à la parfin que j’étais sodomite.
Je te laisse à penser, mi fili, ce que le serpent eût fait de ce secret
et quelle épée il eût pu de ce jour balancer au-dessus de ma tête, afin que de
me faire sa créature et son espion en la maison de Mgr Du Perron. Je
trémulai de peur dès qu’il eut quitté mon logis et défendis à Jeannette, si
elle l’apercevait, par le judas, de lui jamais déclore, que je fusse ou non au
logis, ayant observé qu’à l’advenue et au départir, il avait, en outre, fort
curieusement envisagé la pauvrette, et en particulier ses pieds et ses mains,
lesquels sont, en effet, un peu trop grands pour une femme.
    — Voilà une aventure qui me laisse rêveur, dis-je, car
il m’en faudra bien tâter, moi aussi si je veux m’éclairer sur eux.
    — Dieu te garde, alors, mi fili ! dit
Fogacer. Car ils ont poussé la confession à un tel art que, non contents de
crocheter l’âme, ils te rendent quasi contents de leur intrusion en ton for et
quasi appétants à s’ouvrir à eux davantage. Raison pour quoi, délaissant leurs
curés et leur paroisse, tous les gens de bon lieu de Paris se ruent chez eux
pour leur avouer leurs péchés, à telle enseigne qu’aucun meshui ne se croit
bien confessé s’il ne se confesse à un jésuite.
    — Voilà, dit M. de La Surie, qui doit
enrager contre eux les curés, d’autant que c’est un très grand pouvoir que
celui de la confession, puisque par elle le confesseur s’insinue sensim sine
sensu [21] dans le sein des
familles.
    — Et d’autant qu’ils dirigent jà les enfants, dit
Fogacer en leurs écoles, dont vous n’êtes pas sans connaître l’excellentissime
réputation. Mais là-dessus qui pourra vous en dire davantage que Jeannette,
laquelle a été élevée en Paris en leur collège de Clermont rue
Saint-Jacques ?
    — Hé quoi ! s’écria M. de La Surie
en faisant l’étonné et en parlant avec un sourire du coin du bec, une garce
admise au collège de Clermont par les bons pères ! Au milieu des
garçons ! je crois rêver !
    — Monsieur l’Écuyer, dit Fogacer, jouant le colérique,
ses sourcils se relevant vers les tempes, si je n’avais de longtemps troqué
l’épée contre le scalpel, vous me rendriez compte de cette effronterie.
    — Messieurs ! Messieurs ! m’écriai-je,
contrefeignant l’inquiet pour entrer dans le jeu, laissons, de grâce, les épées
au fourreau ! Ventre Saint-Antoine ! Se courroucer pour le sexe d’une
garce, laquelle, de reste, n’en peut avoir, étant un ange.
    À quoi nous rîmes.
    — Holà, Jeannette ! Holà mon ange ! s’écria
Fogacer, viens céans à ces Messieurs dire ce que tu opines du collège de
Clermont où tu fus ces deux années écoulées.
    — Rien que de fort bon, dit Jeannette, qui vint se
planter devant nous les deux gambes écartées et les deux mains – à vrai
dire grandes assez – croisées sur son ventre. Autant, poursuivit-elle de
sa voix basse, rauque et grave, je fus cruellement traitée par mes régents en
Sorbonne, étant fouettée par eux aussi quotidiennement, autant je fus caressée
par les bons pères.
    — Je n’en doute pas, dit M. de La Surie.
    — Je le prends dans le bon sens, dit Jeannette, en
rosissant, ses cils longs et noirs jetant une ombre sur sa joue.
    — Il ne peut y avoir de mauvais sens au verbe
caresser ! dit Fogacer avec onction.
    — Je m’entends, dit Jeannette. Mais vramy, Messieurs,
puisque vous le quérez de moi, je vous dirai que pour la science, la patience,
la suavité et la paternelle affection, rien n’égale les pères du collège de
Clermont, sinon se peut mon bien-aimé maître, le révérend docteur médecin
Fogacer.
    — Que voilà un galant compliment ! dit
M. de La Surie en riant, et bien tourné, et qui sied au révérend
Fogacer comme une robe de jésuite.
    — Paix-là, Miroul ! dis-je. Jeannette, poursuis,
je te prie.
    — Ha ! Monsieur ! dit-elle, autant
l’université avait été un enfer pour moi, autant le collège de Clermont fut un
paradis. Pour la raison qu’à l’université, on labourait de l’aube à la nuit,
sans jeux, ni desports, ni récréation aucune, et fouettés pour un oui pour un
non par des régents furieux, sans jamais recevoir d’eux le moindre mot
affectionné, la moindre récompense. Ma fé ! Je crus

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