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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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dure, coupante. Charles, l’air malheureux, n’insista
pas. Il dut comprendre que c’était inutile. Et moi, je n’avais que faire de ses
mises en garde que je n’écoutais pas, que je ne voulais pas écouter. Mon amour
pour Henri m’était un ensoleillement, je repoussais farouchement tout ce qui
menaçait de l’assombrir.
    Il me quitta, ce soir-là, mon ami Charles, en me disant
simplement :
    — Je serai toujours là pour toi, Madeleine.
    Je n’ai même pas répondu. Je n’ai pas compris, alors, ce qu’il
voulait dire. Je n’ai compris qu’après, quand j’ai eu besoin de lui. Mais, à l’aube
de mon premier amour, il me gênait, et ce fut sans hésiter que je l’écartai de
ma route.
     
    Le dimanche suivant, Henri nous emmena à Lens, où avait lieu
la ducasse annuelle. Ce fut encore une journée merveilleuse. Nous sommes partis
en automobile, au début de l’après-midi.
    Nous sommes arrivés à Lens où Henri a garé l’automobile, et
nous nous sommes mêlés à la foule. Beaucoup de gens, comme nous, se promenaient.
Des cafés, dont les portes étaient ouvertes, nous parvenaient le bruit des
conversations, et parfois les rengaines des pianos automatiques. Au coin des
rues, des chanteurs, accompagnés de quelques musiciens, interprétaient des
chansons dont ils vendaient les partitions aux personnes qui, nombreuses, les
écoutaient.
    C’était un tel changement, après notre petit village, que je
me sentais un peu étourdie. Ravie, grisée, je marchais près d’Henri. Je prenais
conscience que j’étais, de plus en plus irrésistiblement, attirée par lui. J’aimais
tout de lui, son élégance, sa haute stature virile, ses mains fines et soignées,
son beau profil racé, et ses yeux, ses yeux au regard tendre et enchanteur. Je
le regardais, et mon cœur était douloureux de tout l’amour que j’éprouvais. J’étais
sensible au moindre détail le concernant. Ainsi, j’aimais les cigarettes qu’il
fumait, si différentes de celles que fumaient Charles et les hommes du coron. Pour
la plupart, les mineurs que je connaissais roulaient leurs cigarettes eux-mêmes,
avec du gros tabac brun qu’ils achetaient en paquets. Les cigarettes d’Henri
étaient fines, luxueuses, parfumées. Elles apportaient un complément à son
charme et à son élégance.
    La foule se faisait plus dense de minute en minute. Nous
étions arrivés sur la grande place où étaient installés les baraques et les
manèges. En comparaison de notre petite ducasse, c’était immense. Il n’y avait
pas un seul, mais plusieurs manèges de chevaux, des baraques de tir, des
marchands de nougats, de pain d’épice, de glaces. Nous nous sommes arrêtés un
instant devant un théâtre de marionnettes. Plus loin, il y avait un montreur d’ours,
et j’ai détourné la tête : je ne voulais pas le voir. Henri et Juliette s’arrêtèrent.
Je m’écartai et fis quelques pas. Une vieille femme, assise devant une tente, m’interpella :
    — Eh bien, belle demoiselle, voulez-vous que je
vous dise votre avenir ? Montrez-moi votre main. Vous me donnerez quelques
sous, ce que vous voudrez.
    J’hésitai. Je tournai la tête, cherchant du regard Juliette
et Henri. Ils étaient toujours autour de l’ours. Sans réfléchir davantage, je
me décidai, tendis la main gauche :
    — D’accord, je veux bien.
    La vieille s’en empara, se pencha dessus avec intérêt, fronçant
les sourcils. J’attendais, un peu inquiète, avide de savoir. Qu’allait-elle m’annoncer ?
    — Je vois qu’il y a eu de la tristesse, autour de
toi. La mort n’a pas épargné des gens qui t’étaient proches.
    Elle se pencha davantage, suivit du doigt une ligne :
    — Mais c’est fini, maintenant. Je vois un amour, un
grand amour, qui ne se démentira jamais. Tu connaîtras des difficultés, mais
cet amour t’aidera toujours à triompher. Il ensoleillera ta vie… Seulement, ne
laisse pas ton cœur s’égarer.
    Elle s’arrêta, releva la tête. Henri et Juliette arrivaient.
    — Que fais-tu, Madeleine, demanda Juliette. Tu
crois aux diseuses de bonne aventure ?
    — Donnez-moi votre main, ma petite demoiselle, lui
proposa la vieille femme.
    — Non merci ! dit Juliette. Je n’y tiens pas.
Je préfère ne pas savoir.
    Moi, je ne disais rien. Troublée, je donnai quelques pièces
à la femme, et je m’éloignai.
    — Comme te voilà pensive ! remarqua Juliette.
Que t’a-t-elle dit ?
    Je secouai la tête sans répondre. Comment

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