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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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de tir, Henri prit une carabine. Je le regardai, avec
admiration, viser et tirer. Il y avait des fleurs en papier, ornées d’un ruban
doré. Il réussit à en abattre deux. Il en offrit une à Juliette, me tendit l’autre
avec un sourire :
    — Je te la donne, Madeleine, avec mon cœur si tu
le veux.
    Je le regardai, incapable de répondre. Avais-je bien compris ?
Je n’osais y croire.
    Des gens nous bousculèrent, et nous reprîmes notre promenade.
J’avais l’impression de flotter, de marcher sur des nuages. Il y avait de plus
en plus de monde. Parfois, une bousculade me projetait contre Henri. Je me
sentais alors délicieusement troublée.
    Je revins sur terre en entendant Juliette me dire :
    — Nous devons malheureusement partir, Madeleine. Nos
parents nous ont demandé de ne pas nous attarder, par politesse envers nos
invités.
    Je ne sais plus ce que j’ai balbutié. J’étais incapable de
parler de façon cohérente.
    — Nous ferons une sortie plus longue la prochaine
fois, c’est promis, me dit Henri avec le sourire qu’il avait pour moi et qui me
faisait fondre le cœur.
    Nous avons gagné, tous les trois, la sortie du village. À l’entrée
du coron, ils me quittèrent. Je les regardai partir, et Henri se retourna pour
me sourire. Je lui souris en retour, et je sentis monter en moi un chant d’amour,
d’allégresse, de bonheur.
    Je repris le chemin de la maison. Je serrais dans ma main la
fleur en papier, et je me disais :
    — Est-ce possible ? A-t-il vraiment dit ça ?
    Un reste d’incrédulité m’empêchait de l’admettre. Pourtant, quelque
chose en moi me disait que j’avais bien compris, et je sentais mon cœur gonflé
à éclater. J’étais heureuse comme je ne l’avais pas été depuis longtemps.
    Un appel me ramena sur terre. Quelqu’un criait, avec
insistance :
    — Madeleine ! Madeleine ! Attends-moi !
    Avec effort, je me retournai, abandonnant un instant mes
songes bleus. Charles me rejoignait, disant :
    — Mais tu rêves, Madeleine ! Ça fait dix
fois que je t’appelle !
    — Excuse-moi, Charles, je ne t’avais pas entendu.
    Il se mit à marcher à mes côtés, alors que je ne désirais qu’être
seule.
    — J’ai laissé Julien et Georges dans les manèges.
Je rentre, le bruit m’abrutit !
    Je ne répondis pas. La présence de Charles m’importunait, et
j’aurais voulu me débarrasser de lui. Mais comment le lui faire comprendre ?
De nouveau, il me rappela :
    — Madeleine ? Madeleine, je te parle !
    Je sursautai :
    — Oh ! Pardon. Je n’écoutais pas. Que
disais-tu ?
    — Je t’ai vue tout à l’heure avec Henri Fontaine.
Que faisais-tu donc avec lui ? C’était bien lui, n’est-ce pas ?
    Sa question me déplut. Décidément, Charles avait le don, en
ce moment, d’assombrir ma joie. Je me tournai vers lui, mécontente :
    — C’est le frère de mon amie Juliette. Et puis, qu’est-ce
que cela peut te faire ?
    Sans que je l’aie voulu, ma voix sonnait comme un défi. Je
ne voulais pas qu’il touchât à mon beau rêve, mon secret soigneusement caché. Il
soupira, triste soudain :
    — Maintenant, je comprends… C’est à cause de lui
que tu m’as repoussé ?
    L’amertume rendait sa voix rauque, douloureuse. Je compris
qu’il était jaloux, et j’eus pitié de lui. Je repris, sur un ton plus doux :
    — Non, ce n’est pas à cause de lui. Il n’y est
pour rien. Je t’aime comme un frère, c’est tout, et tous les Henri du monde n’y
changeraient rien.
    Avec violence, il répliqua :
    — Je ne te crois pas. Tu as la tête tournée par
ce beau monsieur. Avec ses beaux habits et son automobile, il a réussi à t’éblouir.
Il n’a aucun mal à être élégant, il est riche, lui, et ne passe pas ses
journées au fond de la mine ! Mais fais attention, Madeleine ! Il n’est
pas pour toi. Ne lui fais pas confiance. S’il s’intéresse à toi, c’est dans le
but de s’amuser. Je ne peux pas supporter cette idée ! Je t’en prie, Madeleine,
essaie de te rendre compte…
    Je le coupai, brutalement :
    — Charles, laisse-moi. Je suis assez grande pour
savoir ce que j’ai à faire. Ne t’occupe pas de moi, s’il te plaît.
    — Mais, Madeleine, je dois veiller sur toi, je te
dis ce que te dirait ton père s’il était encore là…
    — Et moi, je veux que tu me laisses tranquille. Tu
n’es pas mon père, que je sache, pas même mon frère. Tu n’as aucun droit sur
moi.
    Ma voix devenait

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