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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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juin et en septembre. Je n’y avais
plus participé, depuis la mort de mon père. Cette année-là, Juliette me dit :
    — Tu viendras à la ducasse, dimanche. Donnons-nous
rendez-vous sur la place, à cinq heures. Nous avons des invités à la maison, mais
je tâcherai de m’échapper.
    Avec un clin d’œil, elle ajouta :
    — Et je crois qu’Henri fera la même chose. Il
aura certainement envie de te voir !
    Le samedi, j’aidai ma mère à nettoyer à fond la maison, à
laver les vitres et les rideaux. Nous fîmes de la tarte. Dans les autres
maisons, les femmes faisaient toutes de même. La fin de la grève avait ramené
les salaires, avec une augmentation, ce qui permettait aux mineurs de faire la
fête.
    Le dimanche, je m’éveillai le cœur en joie. Le soleil me
parut plus gai, les chants des oiseaux plus joyeux.
    Je mis ma plus jolie robe, me coiffai avec soin. Puis j’attendis
impatiemment qu’il fût l’heure d’aller rejoindre Juliette.
    L’après-midi, les inévitables voisines vinrent voir ma mère.
Dès qu’elles furent là, je m’échappai. J’étais en avance, mais cela m’était
égal. Je fis le tour de la place, regardant les manèges, les baraques de tir. Il
y avait un concours de tir à l’arc. Plus loin, c’était un autre concours, celui
des pinsons. Leur chant me parvenait, pur et mélodieux. Le gagnant était celui
qui chantait le plus longtemps. Je me détournai, assombrie. Je savais que
certains propriétaires avaient crevé les yeux de leur pinson, ou collé leurs
paupières, non par cruauté, mais parce qu’un oiseau plongé dans l’obscurité
chante mieux et plus qu’un autre. Je n’aimais pas penser à ces malheureux que l’on
rendait aveugles et qui, en échange, offraient la beauté de leur chant.
    Je passai ensuite devant la tente où avaient lieu les
combats de coqs. J’entendais les cris des spectateurs, les paris, et j’imaginais
les pauvres animaux, dressés à se battre, en train de se déchirer avec les
aiguilles qu’on leur avait fixées aux pattes. Le chant d’un coq victorieux me
parvint, en même temps que les cris d’enthousiasme de ceux qui avaient parié
pour lui. Je trouvais ce divertissement également cruel. Je fis demi-tour et
retournai vers les manèges, accueillie par des flots de musique et l’odeur des
gaufres et des frites.
    Je vis arriver Juliette. Elle était seule.
    — Ouf ! me dit-elle, j’ai réussi à m’échapper.
Les invités de papa sont d’un ennui !…
    Elle me regarda, eut un sourire complice :
    — Henri est resté coincé dans une discussion avec
eux. Il essaiera de venir nous rejoindre, dès qu’il le pourra.
    Bras dessus, bras dessous, nous avons fait le tour de la
place. Devant le manège de chevaux de bois, Juliette s’arrêta :
    — Je meurs d’envie de monter sur ce manège. Pas
toi, Madeleine ?
    — Oh si !
    — Alors, allons-y !
    Nous avons pris d’assaut, chacune, un cheval. Le manège se
mit à tourner, de plus en plus vite ; le cheval de Juliette montait
pendant que le mien descendait, et cela nous faisait rire. Nous nous amusions
comme des folles. Nous avons fait plusieurs tours de manège, et nous riions tellement
que nous en avions la respiration coupée. Je voyais la place du village tourner,
en un kaléidoscope d’images désordonnées. Lorsque nous sommes descendues, j’avais
l’impression de ne plus tenir debout.
    — Oh ! Ça tourne ! dit Juliette, en s’accrochant
à moi.
    Nous avons dû attendre quelques instants, sans bouger, afin
de retrouver notre équilibre. Et nous avons encore bien ri.
    Nous nous sommes ensuite promenées, nous avons acheté une
glace. La poussière, le monde, la musique, le bruit nous étourdissaient.
    — Voilà Henri ! cria Juliette.
    Je suivis la direction de son regard, et je le vis. Il s’avançait
vers nous, plus beau que jamais. Mon cœur manqua un battement.
    — Viens vite, Henri ! appela Juliette.
    Il s’arrêta devant moi en souriant, prit ma main dans la
sienne :
    — Bonjour, Madeleine, dit-il avec douceur.
    — Bonjour, Henri, répondis-je, presque tout bas.
    Nos regards s’attachaient l’un à l’autre. Ce que je voyais
dans ses yeux rendit ma respiration plus rapide.
    — Viens, dit Juliette, en prenant Henri par le
bras, allons au stand de tir.
    Tout était différent, maintenant qu’il était là. Sa seule
présence, auprès de moi, me procurait un bonheur si intense qu’il m’était
presque douloureux.
    Au stand

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