La Prison d'Édimbourg
un membre de cette secte enfin qui croit contraire à ses principes de prononcer aucun serment sous un gouvernement par lequel le Covenant n’a pas été ratifié.
– Monsieur, reprit le controversiste, qui publiait même sa douleur récente dans une semblable discussion, vous ne pouvez me faire prendre le change aussi aisément que vous vous l’imaginez. Je ne suis ni un Mac Millanite, ni un Russelite, ni un Hamiltonien, ni un Harleyite, ni un Howdenite. – Je ne veux que personne me mène par le bout du nez. – Je n’emprunte mon nom à aucun vase d’argile. J’ai mes principes et ma pratique dont je dois répondre, et je suis un humble plaideur pour la vieille bonne cause, dans les formes légales.
– C’est-à-dire, M. Deans, que vous êtes un Deanite , et avez une opinion particulière à vous.
– Il peut vous être agréable de le dire, continua David Deans ; mais j’ai soutenu mon témoignage devant de grands noms et dans des temps bien amers. Je ne veux ni m’exalter ni abaisser personne ; mais je désire que tout homme et toute femme de ce royaume d’Écosse conserve le vrai témoignage, et suive le sentier droit sur le revers d’une montagne exposée au vent et à la pluie, évitant les piéges et les embûches de droite, et les détours de gauche, aussi fidèlement que Johnny Dodds, de Farthing’s Acre, et un autre que je ne nommerai pas.
– Je suppose, reprit le magistrat, que c’est comme si vous disiez que Johnny Dodds, de Farthing’s Acre, et David Deans, de Saint-Léonard, composent à eux deux les seuls membres de la véritable, réelle et pure église d’Écosse ?
– Dieu me préserve de tenir un propos si vain, quand il y a tant de fidèles chrétiens ; mais je dois dire que tous les hommes agissant d’après les dons du ciel et la grâce, il n’est pas merveilleux que…
– Tout cela est fort beau, interrompit M. Middleburgh ; mais je n’ai pas de temps à perdre pour l’écouter. – Voici l’affaire en question : – J’ai fait remettre une citation entre les mains de votre fille ; si elle paraît le jour du jugement pour témoigner, il y a des motifs d’espérer qu’elle peut sauver la vie de sa sœur ; – si, d’après vos idées étroites sur la légalité de la conduite qu’elle doit tenir comme bonne sœur et fidèle sujette, vous l’empêchez de comparaître dans une cour ouverte sous les auspices de la loi et du gouvernement, je dois vous dire, quelque dure que soit la vérité pour votre oreille, que vous qui donnâtes la vie à cette infortunée, vous deviendrez la cause de sa mort violente et prématurée.
En parlant ainsi, M. Middleburgh se leva pour partir.
– Un moment, un moment, arrêtez ! s’écria Deans d’un air d’embarras et de perplexité. Mais le bailli, prévoyant qu’une discussion prolongée ne pourrait qu’affaiblir l’effet qu’il voyait que son argument avait produit, lui dit qu’il ne pouvait rester plus long-temps, et reprit le chemin d’Édimbourg.
Deans retomba sur son siége, comme étourdi du coup qu’il venait de recevoir. C’était une grande matière de controverse que de savoir jusqu’à quel point les vrais presbytériens pouvaient, sans péché, reconnaître le gouvernement qui avait succédé à la révolution ; Presbytériens, Anti-Papistes, Anti-Épiscopaux, Anti-Érastiens et Anti-Sectaires, se divisaient entre eux en plusieurs petites sectes au sujet du degré de soumission qu’on pouvait accorder sans péché aux lois existantes et au gouvernement établi.
Dans une orageuse et tumultueuse assemblée tenue en 1682 pour discuter ces points importans et délicats, les témoignages du petit nombre de fidèles se trouvèrent complètement contradictoires les uns avec les autres. Le lieu où se fit cette conférence était singulièrement adapté à la convocation d’une telle assemblée. C’était un vallon séquestré du Tweeddale, entouré de montagnes, et loin de toute habitation humaine. Une petite rivière, ou plutôt un torrent appelé le Talla, se précipite dans le vallon avec furie, formant une suite de petites cascades qui ont retenu le nom de Talla-Linns. Ce fut là que se réunirent les chefs des partisans dispersés du Covenant, hommes que l’éloignement de toute société humaine et le souvenir des persécutions avaient rendus à la fois sombres par caractère et extravagans dans leurs opinions religieuses. Ils se réunirent, les armes à la main, et ils
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