La Prison d'Édimbourg
c’était que la délicatesse des procédés. Elle ouvrit la fenêtre, tira les rideaux du lit, et, prenant son parent par la main, elle l’exhorta à s’armer de courage, à se lever, et à supporter ses chagrins en homme et en chrétien. Mais quand elle abandonna la main, Deans la laissa retomber sans force, et il n’essaya pas de faire la moindre réponse.
– Tout est-il fini ? lui demanda Jeanie en tremblant, ne reste-t-il plus d’espérance pour elle ?
– Aucune, répondit mistress Saddletree, pas la moindre. J’ai entendu de mes propres oreilles ce vilain juge l’annoncer. N’est-il pas honteux de voir tant d’hommes en robes rouges et en robes noires s’assembler pour faire périr une pauvre jeune insensée ? Je n’ai jamais trop aimé tout le rabâchage de mon mari sur les lois, mais je l’aimerai encore moins à l’avenir. Je n’ai entendu dire qu’une seule chose raisonnable, c’est quand ce bravé M. Kirk a dit qu’il fallait la recommander à la clémence du roi. Mais il parlait à des gens sans raison, – il aurait mieux fait de garder son souffle pour souffler sur sa soupe.
– Est-ce que le roi peut lui faire grâce ? s’écria vivement Jeanie : j’avais entendu dire que le roi ne pouvait en accorder dans les cas de meur… dans les cas semblables au sien.
– S’il peut faire grâce, mon enfant ? sans doute il le peut quand il le veut ! N’a-t-il pas fait grâce au jeune Singlesword, qui avait tué le laird de Ballencleugh ; au capitaine anglais Hackum, qui avait tué le fermier de lady Colgrain, et au Maître de Saint-Clair qui avait assassiné les deux Shaw, et à bien d’autres encore, et tout cela de mon temps ? c’étaient, il est vrai, des gens comme il faut, et ils avaient du monde pour parler pour eux. Et tout récemment encore, n’avait-on pas accordé la grâce à Jean Porteous ? Ah ! je vous réponds que ce n’est pas le pouvoir de faire grâce qui manque, c’est le moyen de l’obtenir.
– Porteous ! dit Jeanie. Mais cela est vrai ! Comment est-il possible que j’oublie ce dont je devrais si bien me souvenir ? Adieu, mistress Saddletree, puissiez-vous ne jamais connaître le besoin d’avoir des amis !
– Quoi, Jeanie, vous ne demeurez pas avec votre père ? vous feriez mieux de rester ici, mon enfant.
– J’ai besoin là-bas, répondit-elle en indiquant la prison du geste, et il faut que je profite de ce moment pour quitter mon père, ou je n’en aurai jamais la force ; je ne crains pas pour sa vie, je sais qu’il a du courage, je le sais, et, ajouta-t-elle en plaçant sa main sur son cœur, – je le sens en ce moment à mon propre cœur.
– Eh bien, ma chère, si vous croyez que cela vaut mieux, il restera ici plutôt que de retourner à Saint-Léonard.
– Oh oui ! bien mieux, bien mieux ; Dieu vous bénisse ! – Dieu vous bénisse ! – Ne le laissez pas en aller avant que je vous donne de mes nouvelles.
– Mais vous reviendrez ? lui dit mistress Saddletree ; on ne vous laissera pas rester là-bas ?
– Mais il faut que j’aille à Saint-Léonard. J’ai peu de temps et beaucoup d’ouvrage ; il faut que je parle à quelques amis. Adieu, que Dieu vous bénisse ! Ayez bien soin de mon père.
Quand elle fut à la porte de l’appartement, elle retourna tout-à-coup, et s’agenouillant près du lit : – Ô mon père, s’écria-t-elle, donnez-moi votre bénédiction ! je ne puis partir sans que vous m’ayez bénie ; dites-moi seulement : Que Dieu vous bénisse, Jeanie ! je ne vous demande que cela.
Le vieillard, par instinct plutôt que par une volonté intelligente murmura une prière pour que la bénédiction du ciel se multipliât sur elle.
– Il a béni mon voyage, dit-elle en se relevant, et je sens dans mon cœur un pressentiment que je réussirai.
À ces mots elle sortit.
Mistress Saddletree secoua la tête en la voyant partir.
– Fasse le ciel, dit-elle, que la pauvre fille n’ait pas le cerveau dérangé ! Au surplus, tous ces Deans ont une tournure d’esprit singulière. Je n’aime pas les gens qui valent mieux que les autres. Il n’en résulte souvent rien de bon. Mais si elle va visiter les étables à Saint-Léonard, c’est une autre affaire. À coup sûr, il faut en avoir soin. Grizie, venez ici ! Montez près de ce brave homme, et ayez soin qu’il ne lui manque rien. Allons, allons, qu’avez-vous besoin de vous friser si bien les cheveux ? j’espère que
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