La Prison d'Édimbourg
qui ont été conservés les traits de quelques uns de ses héros. Dans la génération précédente, lorsque les complots et l’activité des jacobites excitaient une perpétuelle alarme, les magistrats d’Édimbourg s’occupaient de l’entretien de ce corps, malgré les élémens dont nous avons dit qu’il était composé, avec plus de zèle qu’on n’y en a mis depuis que leur service le plus dangereux n’est plus que des escarmouches avec la canaille, chaque anniversaire de la naissance du roi. Alors aussi ils étaient l’objet de plus de haine, mais de moins de mépris.
Le capitaine John Porteous attachait beaucoup d’importance à l’honneur du corps qu’il commandait. Il se trouva très mortifié de l’affront dont Wilson avait couvert les soldats qui le gardaient, en facilitant l’évasion de Robertson, et il exprima de la manière la plus violente son ressentiment contre lui. Mais quand il entendit parler de la crainte qu’on ne tentât de le sauver au moment de l’exécution, sa fureur ne connut plus de bornes, et il s’emporta en menaces et en exécrations, dont malheureusement on ne se souvint que trop. Dans le fait, si d’un côté l’activité et la résolution de Porteous le rendaient propre à commander des gardes destinés à étouffer les mouvemens populaires, il semblait en même temps peu fait pour une charge si délicate, tant à cause de son tempérament impétueux et farouche, toujours prêt à en venir aux coups et à la violence, que de son caractère sans principes. Il était d’ailleurs trop disposé à considérer la populace (qui manquait rarement de le maltraiter lui et ses soldats) comme un ennemi contre lequel il était juste de chercher une occasion de représailles : mais comme il était le plus actif et le plus dévoué des capitaines de son corps, ce fut lui que les magistrats chargèrent de commander les soldats appelés à veiller à l’ordre public pendant l’exécution de Wilson. Il fut donc mis à la tête de toute la force disponible, c’est-à-dire de quatre-vingts hommes, pour garder les alentours de l’échafaud.
Les magistrats prirent encore d’autres précautions, qui blessèrent l’orgueil de Porteous : ils requirent un régiment d’infanterie régulière d’entrer dans la ville, et de se ranger en bataille, non sur le lieu de l’exécution, mais dans la principale rue, afin d’intimider la populace en déployant une force à laquelle on ne pouvait songer à résister. Considérant combien est déchu cet ancien corps municipal, on trouvera peut-être ridicule que son officier se montrât susceptible sur le point d’honneur ; cela fut cependant. Le capitaine Porteous ne put voir sans dépit une troupe de fusiliers gallois entrer dans une ville où aucun autre tambour que les siens n’avait le droit de battre sans la réquisition ou la permission des magistrats. Comme il ne pouvait faire tomber son humeur sur ceux-ci, sa rage contre le malheureux Wilson et tous ses partisans, et son désir de vengeance, ne firent qu’augmenter. Cette agitation intérieure opéra sur sa physionomie un changement dont s’aperçurent tous ceux qui le virent dans la matinée du jour de l’exécution de Wilson. Porteous était de moyenne taille, et bien fait ; il avait l’extérieur assez prévenant, la tournure militaire, et cependant un air de douceur ; son teint était basané, son visage marqué de quelques taches de petite vérole, ses yeux plutôt tendres que menaçans. Ce matin il semblait comme possédé de quelque mauvais génie : sa démarche était incertaine, sa voix rauque, sa figure pâle, ses yeux égarés, ses discours sans suite ; et bien des gens remarquèrent ensuite qu’il avait l’air fey, expression écossaise pour désigner un homme entraîné vers sa destinée par une nécessité irrésistible.
Il faut convenir qu’il commença l’exercice de ses fonctions par un trait d’une grande inhumanité, s’il n’a pas été exagéré par l’animosité qu’on a conservée contre sa mémoire. Lorsque Wilson lui fut livré par le geôlier pour être conduit au lieu de l’exécution, il ne se contenta pas des précautions qu’on prenait ordinairement pour empêcher le criminel de s’échapper ; il ordonna qu’on lui mît les fers aux mains. Cette précaution pouvait se justifier d’après le caractère et la force du coupable, et par la crainte qu’on avait que le peuple ne fît un mouvement pour le sauver. Mais les
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