La Prison d'Édimbourg
conspirateurs avaient disposée en travers de la rue vis-à-vis des Luckenbooths, ils furent assaillis d’une grêle de pierres qu’on leur lança du plus loin qu’on les aperçut, et quand ils furent plus près, les piques, les baïonnettes et les haches de Lochaber dont la populace s’était armée furent tournés contre eux. Un officier de police, homme robuste et déterminé, arrêta pourtant un des factieux et se saisit de son mousquet. Mais à l’instant même on tomba sur lui ; on le terrassa et on le désarma à son tour, sans se porter à aucune autre violence contre lui, ce qui offre une nouvelle preuve du système de modération qu’avaient adopté des hommes si opiniâtres dans leur projet exclusif de vengeance contre l’objet de leur ressentiment. Les magistrats, après avoir tenté de vains efforts pour faire entendre leur voix et se faire obéir, n’ayant plus les moyens nécessaires pour faire respecter leur autorité, furent obligés de se retirer promptement, afin d’éviter les pierres qui leur sifflaient aux oreilles, et ils laissèrent la populace maîtresse du champ de bataille.
La résistance passive qu’opposait la prison semblait devoir être plus nuisible aux projets des conjurés que l’intervention active des magistrats. Les pesans marteaux continuaient à battre la porte, et avec un bruit suffisant pour donner l’alarme à la garnison du château. Le bruit se répandit même qu’elle prenait les armes pour descendre dans la ville, et que si l’on ne réussissait à forcer promptement l’entrée de la prison, il faudrait renoncer à tout projet de vengeance ; d’autant plus qu’une bombe ou deux jetées dans la rue étaient un moyen suffisant de répression.
On redoubla donc d’ardeur, mais sans obtenir plus des succès. Enfin une voix s’écria : – Il faut y mettre le feu ! Des acclamations unanimes s’élevèrent ; on se procura quelques vieux tonneaux qui avaient contenu de la poix, on les brisa, on les amoncela contre la porte, on y mit le feu, on l’entretint avec tous les combustibles qu’on put se procurer. Le feu ainsi alimenté vomit bientôt une colonne de flamme ; les reflets éclairaient les figures farouches des factieux et le visage pâle des citoyens inquiets, qui, des fenêtres du voisinage, observaient avec terreur cette scène alarmante. La populace entretint le feu avec tout ce qu’elle put trouver, sous sa main ; les flammes firent entendre leurs craquemens, et une acclamation de joie annonça bientôt que la porte allait être détruite ; alors on laissa le feu mourir de lui-même ; mais avant qu’il fût entièrement éteint, les plus impatiens des conjurés s’élancèrent l’un après l’autre à travers les débris encore enflammés, et pénétrèrent dans la prison. Des nuages d’étincelles voltigèrent dans les airs, éparpillées sous les pieds de ceux qui foulaient les tisons. Butler et tous les autres témoins ne purent plus douter que les insurgens ne se rendissent bientôt maîtres de leur victime, pour en faire tout ce que bon leur semblerait, quoi que ce pût être.
CHAPITRE VII.
« Nous ferons tout le mal que vous ordonnerez,
» Peut-être même encore davantage. »
SHAKSPEARE. Le Marchand de Venise.
Le malheureux qui se trouvait l’objet de cette insurrection populaire avait été, dans la matinée, délivré de la crainte d’un supplice public. Sa joie en fut d’autant plus grande, qu’il avait quelque sujet de craindre que le gouvernement ne voulût pas heurter l’opinion publique en épargnant un homme coupable d’un crime si odieux, et qui avait été condamné à mort d’après le verdict d’un jury. Délivré de cette incertitude, son cœur s’ouvrit à l’espérance, et il crut, selon l’expression de l’Écriture dans une occasion semblable, que sûrement l’amertume de la mort était passée pour lui. Quelques uns de ceux qui s’intéressaient à lui, et qui avaient été témoins de la manière dont le peuple avait appris la nouvelle du sursis, pensaient différemment. Ce silence farouche de la populace leur fit craindre qu’elle ne formât quelque projet secret de vengeance. Ils conseillèrent donc à Porteous de ne pas perdre de temps, et d’adresser aux magistrats une pétition pour demander à être transféré dans le château, où il resterait jusqu’à ce que le gouvernement eût prononcé définitivement sur son sort. Habitué depuis long-temps à mépriser la
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