La Prison d'Édimbourg
canaille et à lui imposer, Porteous ne fit que rire de leurs inquiétudes, et ne put s’imaginer que l’on conçût jamais le projet d’enfoncer une prison aussi forte que l’était celle d’Édimbourg. Dédaignant l’avis qui aurait pu le sauver, il passa l’après-midi de ce jour mémorable à se réjouir avec plusieurs amis qui l’avaient visité dans la Tolbooth, et dont quelques uns restèrent à souper avec lui, quoique ce fût contraire au règlement, mais grâce à la complaisance du capitaine de la prison, avec qui Porteous avait des rapports d’intimité.
Ce fut donc au milieu de la joie du festin et d’une confiance peu fondée, que ce malheureux entendit les premières clameurs lointaines de l’attroupement se mêler aux chants joyeux de son intempérance ; soudain le geôlier, tout troublé, vient appeler ses hôtes, leur crie de se retirer au plus tôt, et leur apprend à la hâte qu’une multitude déterminée s’est emparée des portes de la ville et du corps-de-garde. Telle fut pour eux la première explication de ces effrayantes clameurs. Porteous aurait pu encore échapper à la fureur populaire contre laquelle les magistrats ne pouvaient le protéger, s’il eût pensé à se déguiser et à sortir de la prison avec ses amis : il est probable que le geôlier aurait favorisé son évasion, ou ne s’en serait pas aperçu dans ces momens de désordre. Mais ni Porteous ni ses amis n’eurent assez de présence d’esprit pour songer à ce plan de fuite ou pour l’exécuter. Ceux-ci se retirèrent à la hâte d’un lieu où leur propre sûreté semblait compromise, et Porteous, dans une sorte de stupéfaction, attendit dans sa chambre quelle serait l’issue de l’entreprise des révoltés. La cessation du bruit des instrumens avec lesquels ils avaient essayé d’abord d’enfoncer la porte lui rendit un moment l’espérance. Il pensa que la garnison du château ou le régiment du colonel Moyle était entré dans la ville, et avait dissipé le rassemblement. Mais bientôt, de nouveaux cris et la lueur des flammes qui éclairaient ses fenêtres lui apprirent que la populace n’avait pas renoncé à ses projets, mais avait seulement adopté un mode d’exécution plus prompt et plus certain.
Comment fuir ? comment se cacher ? l’un et l’autre paraissait impossible. Le seul moyen qui lui sembla praticable fut de tâcher de monter par la cheminée, dût-il étouffer en essayant d’y passer. Mais à peine était-il parvenu à la hauteur de quelques pieds, qu’il se trouva arrêté par ces barres de fer qu’on y place dans tous les édifices qui servent à renfermer des prisonniers. Elles servirent du moins à le soutenir à l’élévation où il était arrivé, et il les saisit avec l’ardeur d’un homme tenant le dernier fil qui l’attache à l’existence. La clarté répandue dans l’appartement par la lueur des flammes diminua graduellement et finit par s’évanouir. De grands cris se firent entendre dans l’intérieur de la prison. Ceux qui y étaient détenus, et qui voyaient arriver l’instant de leur délivrance, y répondirent par des acclamations de joie, et quelques uns d’entre eux indiquèrent aux chefs des factieux la chambre où devait se trouver la victime qu’ils cherchaient. Porteous entendit les pas de ses bourreaux dans l’escalier : les verrous s’ouvrirent ; la porte, dont ils n’avaient pas la clef, fut bientôt enfoncée, et ils entrèrent en proférant des sermens et des exécrations que nous n’osons rapporter, mais qui prouvaient évidemment les intentions horribles qui les amenaient, s’il avait pu en rester quelque doute.
L’endroit où Porteous s’était caché, faute d’en trouver un meilleur, ne pouvait échapper aux soupçons ; on l’y chercha naturellement, on l’y découvrit et il en fut arraché avec une violence qui faisait croire qu’on voulait le massacrer sur-le-champ. Dix baïonnettes furent dirigées contre lui, mais le jeune homme dont Butler avait remarqué le costume de femme s’interposa d’un ton d’autorité. – Êtes-vous fous ? leur dit-il ; voulez-vous exécuter un acte de justice comme si c’était un crime ou une barbarie ? Le sacrifice doit être offert sur l’autel, ou il perdrait la moitié de son prix. Il faut que cet homme meure comme doit mourir un assassin, sur le gibet. Il faut qu’il périsse dans l’endroit où il a fait périr tant d’innocens.
De grands cris d’approbation
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