La Prison d'Édimbourg
dans la ville pour nettoyer les rues. Mais toutes les avenues qui pouvaient y conduire étaient si bien gardées par les insurgés, que pas un des exprès ne put arriver à sa destination. Ils furent tous arrêtés et relâchés sans avoir reçu aucun mauvais traitement, et sans d’autres menaces que celles qui étaient nécessaires pour les détourner de se charger une seconde fois d’un pareil message.
On prit les mêmes précautions pour empêcher aucune personne des classes supérieures de la société, et qui par là même étaient suspectes à la populace, de paraître dans les rues où elles auraient pu observer les mouvemens des insurgés, et chercher à les reconnaître. Tout homme qu’on apercevait avec un costume d’homme comme il faut était arrêté sur-le-champ ; on le priait et au besoin on l’obligeait de retourner sur ses pas. Plus d’une partie de quadrille fut manquée en cette nuit mémorable, car les chaises à porteur des dames et même de celles du plus haut rang furent interceptées malgré les laquais en livrée dorée et leurs brillans flambeaux. Cela se faisait généralement avec des égards pour les dames et une déférence qu’on ne pouvait guère attendre des éclaireurs d’une populace indisciplinée. Ceux qui arrêtaient une chaise disaient ordinairement pour s’excuser qu’il régnait en ce moment trop de trouble dans les rues pour qu’une dame pût s’y montrer sans danger. Ils offraient même de l’escorter jusqu’à la maison d’où elle sortait, sans doute de crainte que quelques uns des insurgés ne déshonorassent leur plan systématique de vengeance, en se livrant à quelques uns des excès communs en pareils cas.
Des gens qui vivent encore ont entendu des dames raconter qu’elles avaient été ainsi arrêtées et reconduites chez elles par des jeunes gens qui leur offraient même la main quand elles sortaient de leur chaise, avec une politesse qu’on n’aurait pas dû espérer de trouver sous les habits qui les couvraient et qui étaient ceux de simples ouvriers. On eût dit que les conspirateurs, de même que ceux qui avaient assassiné autrefois le cardinal Beatoun, s’imaginaient qu’ils exécutaient un jugement du ciel, auquel on devait procéder avec ordre et solennité, quoiqu’il ne fût pas sanctionné par l’autorité civile.
Tandis que les corps détachés exerçaient ainsi une surveillance active, sans que la crainte ou la curiosité de voir ce qui se passait ailleurs leur fissent rien négliger de ce qui leur était prescrit, une troupe d’élite se présentait à la porte de la prison et y frappait avec violence, en demandant à grands cris qu’on la lui ouvrît sans délai. Personne ne répondit, car le concierge de la première porte avait prudemment pris la fuite avec les clefs dès le commencement de l’émeute, et ne fut trouvé nulle part. Cette porte fut immédiatement attaquée avec des marteaux d’enclume, des barres de fer et des leviers ; mais elle était en chêne doublé, garnie partout de gros et longs clous à tête ronde ; les gonds et les ferrures étaient d’une solidité à toute épreuve, et elle résistait à tous les efforts. Les insurgés ne se rebutaient pourtant pas ; et comme peu de personnes pouvaient travailler en même temps, dès qu’une bande était fatiguée elle était relevée par une autre, mais sans beaucoup avancer.
Butler avait été conduit sur la scène principale de l’action, et si près de la prison, qu’il était assourdi par le choc continuel des marteaux contre les battans ferrés de la porte. Il commençait à espérer que la populace, désespérant d’y réussir, renoncerait à son dessein, ou qu’il arriverait enfin une force suffisante pour la disperser. Il y eut même un instant où cette dernière chance parut probable.
Les magistrats ayant rassemblé les officiers de leur police et un certain nombre de citoyens qui consentirent à risquer leurs jours pour rétablir la tranquillité publique, sortirent de la taverne où ils s’étaient réunis, et se mirent en marche vers la scène du plus grand danger. Ils étaient précédés de leurs officiers civils portant des torches, et d’un héraut qui devait faire lecture de la loi contre les rassemblemens, si cela devenait nécessaire. Ils firent reculer aisément les avant-postes et les sentinelles avancées des insurgés ; mais quand ils approchèrent de cette ligne de défense que la populace, ou pour mieux dire les
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