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La Prison d'Édimbourg

La Prison d'Édimbourg

Titel: La Prison d'Édimbourg Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Walter Scott
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répondit celui-ci d’un air calme.
    L’étranger porta les deux mains à son front, comme frappé d’une réflexion soudaine, fit quelques pas pour s’éloigner, se retourna, et voyant que Butler le suivait des yeux, lui cria d’une voix ferme, mais qui semblait calculée de manière à arriver aux oreilles du jeune ministre, sans pouvoir être entendue trois pas plus loin : – Passez votre chemin, et exécutez mes ordres. Ne cherchez pas à voir ce que je deviendrai ; je ne descendrai pas dans les entrailles de la terre, et je ne m’enlèverai point sur une colonne de feu ; mais l’œil qui oserait suivre mes mouvemens aurait à regretter de n’avoir pas été frappé d’aveuglement. Partez, ne regardez pas derrière vous, et dites à Jeanie Deans que je l’attends dès que la lune se lèvera, au Cairn {43} de Nicol Muschat, près la chapelle de Saint-Antoine.
    Après avoir ainsi parlé, il prit le chemin de la montagne, et s’éloigna d’un pas aussi précipité que son ton avait été impérieux.
    Saisi de la crainte vague de quelques nouveaux malheurs, désespéré qu’il existât un homme qui pût envoyer à l’objet de toute son affection, à celle qu’il regardait comme sa fiancée, un message si extraordinaire, et conçu en termes si impératifs, Butler doubla le pas pour arriver à Saint-Léonard, afin de s’assurer jusqu’à quel point cet être singulier avait droit de faire à Jeanie une demande qu’aucune jeune fille prudente et modeste ne paraissait pouvoir accorder.
    Butler n’était naturellement ni jaloux ni superstitieux ; cependant les sentimens qui nous disposent à devenir l’un ou l’autre existaient dans son cœur, comme dans celui de la généralité des hommes : il était désolant pour lui de penser qu’un libertin licencieux, tel que semblait être l’inconnu par ses manières et son ton, avait le pouvoir de commander à celle qui devait être un jour son épouse, à celle qu’il aimait si fidèlement, de se rendre à un lieu si écarté et à une heure si peu convenable. Cependant l’accent de cet homme ne ressemblait en rien à cette douce demi-voix d’un séducteur qui sollicite un rendez-vous. Cet accent était fier, hautain, impérieux, et il exprimait moins l’amour que la menace et le désir d’effrayer.
    Les suggestions de la superstition auraient paru plus naturelles si Reuben y avait été accessible. – Était-ce là le lion rugissant, qui rôde pour chercher une proie à dévorer ? – C’était une question qui se présenta à l’esprit de Butler plus vivement qu’on ne peut le concevoir dans le temps présent. Ce regard fier, ces manières brusques, cette voix dure par saccades, et cependant soigneusement contenue, – ces traits dont la beauté régulière était tour à tour obscurcie par l’orgueil, altérée par la méfiance, et comme enflammée par la colère, – ces yeux noirs que l’inconnu cachait quelquefois en abaissant les bords de son chapeau, comme s’il n’eût pas voulu qu’on les observât pendant qu’il observait ceux des autres ; – ces yeux où l’on remarquait tantôt le trouble et la tristesse, tantôt le mépris, tantôt le feu de la fureur ; –… étaient-ce bien les passions d’un simple mortel que ces manières, ces traits, ces regards exprimaient, ou les émotions d’un démon qui cherche vainement à dissimuler ses funestes projets sous le masque emprunté d’une beauté humaine ? Il y avait dans le maintien, le langage, les traits de l’inconnu, quelque chose de l’archange tombé ; et quelque imparfaite qu’ait pu être notre description, l’effet de cette entrevue sur Butler, agité déjà par les horribles scènes de la précédente nuit, fut plus grand que ne l’auraient voulu son jugement et son secret orgueil.
    Le lieu même où il avait rencontré ce singulier personnage était en quelque sorte souillé et profané par les duels et les suicides, et l’endroit fixé pour un rendez-vous à une heure si avancée de la nuit passait généralement pour maudit depuis un meurtre épouvantable et barbare qui y avait été commis sur la personne de sa femme par le misérable qui lui avait donné son nom. C’était dans de tels lieux, suivant la croyance de cette époque (où les lois contre les sorciers étaient encore en vigueur, et avaient été même récemment invoquées), c’était dans de tels lieux que les malins esprits avaient le pouvoir de se rendre visibles aux yeux mortels

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