La Prison d'Édimbourg
qu’il ait eu le cœur d’offrir quelque chose de ce qu’il possède, pour rendre service à ceux, pour qui je ne puis former que de stériles souhaits ? Au nom du ciel, faisons chacun ce que nous pouvons. Qu’elle soit heureuse, il suffit ! et sauvée de la honte et du malheur qui la menace ; – que je puisse seulement trouver les moyens de prévenir la terrible épreuve de ce jour ; et adieu à toute autre pensée, quoique mon cœur saigne de m’en séparer.
Il doubla le pas, et ne tarda pas à arriver devant la porte de la Tolbooth, ou, pour parler plus correctement, devant l’endroit où la porte avait existé. Son entrevue avec l’inconnu mystérieux, le message dont il l’avait chargé pour Jeanie, la conversation qu’il avait eue avec elle à ce sujet, tout cela occupait tellement son esprit, qu’il ne songeait plus à l’événement tragique dont il avait été, la nuit précédente, le témoin involontaire. Il ne fit aucune attention aux groupes qui étaient dispersés dans la rue, causant à voix basse, et se taisant dès qu’un étranger en approchait ; à la triple sentinelle en faction devant le corps-de-garde ; ni enfin à l’air inquiet de la populace, parmi laquelle chacun sentait fort bien que, coupable ou non, il pouvait être soupçonné d’avoir pris part aux évènemens qui s’étaient passés. Tels sont, le lendemain d’une orgie nocturne, des buveurs hardis, devenus tout-à-coup timides et tremblans.
Rien de tout cela ne frappa les yeux de Butler. Toutes ses pensées étaient absorbées par un sujet tout différent, et bien plus intéressant pour son cœur. Mais quand il se trouva devant l’entrée de la prison, quand il vit les murs noircis par le feu qui en avait consumé la porte, et un double rang de grenadiers qui en remplaçait les verrous, toutes les horreurs de la nuit précédente se retracèrent à son souvenir. Il n’en avança pas moins vers la Tolbooth, et demanda s’il pouvait parler à Effie Deans, en s’adressant au même geôlier à cheveux blancs qu’il avait vu la veille.
– Je crois, dit celui-ci sans répondre directement à sa question, que c’est vous qui êtes venu demander à la voir hier dans la soirée ?
– Moi-même, dit Butler.
– Oui, oui, dit le geôlier ; vous m’avez demandé si c’était à cause de l’affaire du capitaine Porteous que je fermais la porte plus tôt qu’à l’ordinaire.
– Cela est possible, mais ce que je vous demande en ce moment, c’est si je puis voir Effie Deans.
– Entrez ! entrez ! montez l’escalier à droite et entrez dans la première chambre à main gauche.
Le geôlier suivit Butler, son trousseau de clefs à la main, sans même oublier la grosse clef de la porte qui n’existait plus, et qu’il portait encore par suite d’une ancienne habitude. Mais à peine Butler fut-il entré dans la chambre qu’il entendit la porte se refermer aux verrous derrière lui.
D’abord Butler n’en conçut aucune inquiétude, s’imaginant que c’était une suite de la précaution habituelle du porte-clefs ; mais quand il entendit le commandement adressé à une sentinelle, et le bruit des armes d’un soldat mis en faction à la porte fermée sur lui, il appela de nouveau le geôlier. – Mon bon ami, lui dit-il, l’affaire pour laquelle j’ai besoin de parler à Effie Deans est très urgente, ne me laissez pas attendre long-temps.
Point de réponse.
– S’il était contre les règles de voir en ce moment votre prisonnière, j’aimerais mieux revenir plus tard, car j’ai beaucoup d’affaires aujourd’hui, et fugit irrevocabile tempus, se dit-il en lui-même.
– Si vous aviez des affaires, répondit l’homme aux clefs, vous auriez dû les faire avant de venir ici, car vous trouverez qu’il est plus facile d’y entrer que d’en sortir. Je ne crois pas qu’un autre rassemblement s’avise de revenir ; les lois ont repris leur cours ; vous l’apprendrez à vos dépens, mon voisin.
– Que voulez-vous dire, monsieur ? s’écria Butler : vous me prenez certainement pour un autre. Je me nomme Reuben Butler, prédicateur de l’Évangile.
– Je le sais, je le sais fort bien.
– Eh bien, si vous le savez, je crois pouvoir vous demander aussi de quel droit vous prétendez me retenir ici ! Ignorez-vous qu’on ne peut arrêter sans mandat aucun sujet de Sa Majesté Britannique ?
– Sans mandat ?… Le mandat est en ce moment à Libberton avec deux officiers du
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