Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Prison d'Édimbourg

La Prison d'Édimbourg

Titel: La Prison d'Édimbourg Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Walter Scott
Vom Netzwerk:
éminence du château et le rideau des collines de l’occident. C’était l’heure où David Deans et sa fille se réunissaient en famille pour la prière du soir. Jeanie se rappela avec amertume le temps où elle avait coutume de suivre le progrès des ombres prolongées en se mettant sur la porte pour voir si elle n’apercevrait pas sa sœur revenant à la maison. Hélas ! à quels malheurs avait abouti cette vaine et frivole perte du temps ! Était-elle tout-à-fait innocente elle-même de n’avoir pas averti son père pour interposer son autorité, lorsqu’elle s’était aperçue qu’Effie se livrait à une société dangereuse ? – Mais j’ai fait pour le mieux, se dit-elle ; et qui se serait attendu à un si grand mal, causé par un seul grain de levain, mêlé à tant de qualités ingénues, tendres et généreuses !
    Lorsqu’ils s’assirent pour l’exercice, c’est ainsi qu’on l’appelle, le hasard voulut qu’une chaise restât vacante à la place qu’Effie occupait autrefois ; Deans, qui allait commencer la prière, vit que les yeux de Jeanie se remplissaient de larmes en se tournant de ce côté, et il ôta la chaise d’un air d’impatience, comme pour éloigner tout souvenir terrestre, au moment où il allait s’adresser à la Divinité. Il lut alors quelques versets des saintes écritures, prononça la prière, chanta une hymne, et l’on remarqua qu’en accomplissant ce devoir il eut la présence d’esprit d’éviter tous les passages et toutes les expressions, en si grand nombre dans l’Écriture, qu’on aurait pu regarder comme applicables à ses malheurs domestiques. En agissant ainsi, son intention était peut-être de ménager l’émotion de sa fille, peut-être aussi voulait-il ne pas risquer de perdre lui-même les dehors de cette patience stoïque qui fait supporter tous les maux que la terre peut produire, et qui ne voit que néant dans tous les évènemens de la vie humaine.
    Lorsque la prière fut finie, il s’approcha de Jeanie, l’embrassa tendrement, et lui dit : – Que le Dieu d’Israël veille sur vous, ma chère enfant, et qu’il vous accorde les bénédictions de ses promesses !
    David Deans était bon père, mais il n’était ni dans son caractère ni dans ses habitudes de le paraître. Il laissait rarement apercevoir cette plénitude de cœur qui cherche à se répandre en caresses ou en expressions de tendresse sur ceux qui nous sont chers. Il blâmait ces effusions de l’âme comme des faiblesses qu’il avait souvent censurées dans plusieurs de ses voisins, et particulièrement dans la pauvre veuve Butler. Il résultait de la rareté des émotions que témoignait cet homme toujours en garde contre ses sensations, que ses enfans attachaient une sorte d’intérêt plus vif et une véritable solennité aux marques d’affection qu’ils en recevaient quelquefois, parce qu’ils les considéraient comme des preuves d’un sentiment qui ne se manifestait que lorsque le cœur en était trop plein pour pouvoir les contenir.
    Ce fut donc avec une profonde émotion que Deans donna à sa fille et que celle-ci reçut sa bénédiction et son baiser paternel.
    – Et vous, mon cher père, s’écria Jeanie quand la porte fut fermée sur le vieillard, puissent toutes les bénédictions nombreuses et méritées se multiplier sur vous ! – sur vous qui marchez dans ce monde comme si vous n’étiez pas de ce monde, et qui regardez tous les dons qu’il peut vous faire et tout ce qu’il peut vous ravir comme les vapeurs qu’amène le matin et que le vent du soir dissipe.
    Elle fit ensuite ses préparatifs pour sa sortie nocturne. Son père dormait dans une chambre séparée, et, réglé dans ses habitudes, il quittait bien rarement son appartement une fois qu’il y était entré pour se coucher. Il était donc facile à Jeanie de sortir de la maison, sans que personne le remarquât, dès que l’heure du rendez-vous approcherait. Mais, quoiqu’elle n’eût pas à craindre les yeux de son père, les siens n’étaient pas fermés sur les inconvéniens et les dangers de la démarche qu’elle allait faire. Elle avait passé toute sa vie dans une retraite paisible, uniquement occupée des soins uniformes du ménage ; et la nuit, qu’on regarde à la ville comme devant amener des scènes de plaisir et de gaieté, ne lui offrait qu’un spectacle imposant et solennel. La résolution qu’elle avait prise lui paraissait si étrange et si hasardeuse,

Weitere Kostenlose Bücher