La Prison d'Édimbourg
la terre et des démons sous la terre ! Satan a été ici depuis votre départ ; mais je l’ai renvoyé par ma résistance : nous ne serons plus troublés par lui cette nuit. David Deans croyait cela ainsi que maint autre combat et mainte autre victoire remportée par les esprits sur la foi des Ansars ou auxiliaires des prophètes bannis. L’événement ci-dessus était antérieur au temps de David ; mais il répétait souvent avec terreur, non sans éprouver toutefois un sentiment d’orgueilleuse supériorité vis-à-vis ses auditeurs, comment lui-même il avait été présent à une assemblée en plein champ à Crochmade, lorsque le devoir pieux du jour fut interrompu par l’apparition d’un grand homme noir qui, voulant traverser un gué pour joindre la congrégation, perdit terre, et fut en apparence emporté par la force du courant. Chacun s’empressa d’aller à son secours, mais avec si peu de succès, que dix ou douze hommes robustes qui tenaient la corde qu’on lui avait jetée pour l’aider, furent eux-mêmes en danger d’être entraînés par les flots, et exposés à perdre la vie, plutôt que de sauver celle du prétendu noyé. « Mais, ajoutait David avec un ton de triomphe, le fameux John Semple de Carsphairn vit le démon au bout de la corde. – Laissez aller la corde, nous cria-t-il (car, tout jeune que j’étais, j’avais aussi mis la main à la corde moi-même) ; c’est le grand ennemi : il brûlera, mais ne se noiera pas : son dessein est de troubler la bonne œuvre en attaquant vos esprits par la surprise et la confusion, afin de vous distraire de tout ce que vous avez entendu et senti. – Nous laissâmes donc aller la corde, et il roula dans l’eau, criant et beuglant comme un taureau de Basan, ainsi qu’il est nommé dans l’Écriture. »
Il n’est donc pas surprenant que Jeanie, élevée dans la croyance de semblables légendes, commençât à éprouver une inquiétude vague. Non seulement elle craignait d’apercevoir quelques unes de ces apparitions surnaturelles, qui, d’après la tradition, avaient eu lieu si souvent dans cet endroit, mais elle concevait même des doutes sur la nature de l’être mystérieux qui avait choisi une heure et un lieu si extraordinaires pour lui donner un rendez-vous. Il fallait donc un degré de résolution que ne peuvent apprécier ceux qui ont secoué les préjugés auxquels elle était livrée, pour persévérer dans son dessein ; mais le désir de sauver sa sœur agit sur son cœur plus puissamment que la crainte des dangers, effrayans pour son imagination.
Comme Christiana dans le Voyage du Pèlerin, lorsque d’un pas timide mais résolu elle traverse les terreurs de la vallée de l’ombre de la mort, elle franchit les pierres et les rochers, – « tantôt éclairée, tantôt dans les ténèbres » –, suivant que la lune brillait ou se cachait, et elle s’efforça de dompter les mouvemens de la crainte, – soit en fixant son attention sur la condition malheureuse de sa sœur, et le devoir qu’elle s’était imposé de lui être utile si c’était en son pouvoir, – soit plus fréquemment en demandant par des prières mentales la protection de cet Être pour qui la nuit est comme le midi.
C’est ainsi qu’en faisant taire ses craintes devant un intérêt plus puissant, ou en les réfutant par son invocation à la Divinité protectrice, elle approcha enfin du lieu fixé pour cette entrevue mystérieuse.
Ce lieu était situé dans la profonde vallée qui règne entre les rochers de Salisbury et le revers nord-ouest de la montagne nommée Arthur’s-Seat. Sur le penchant d’Arthur’s-Seat on voit encore les ruines d’une ancienne chapelle ou d’un ermitage qui était consacré à saint Antoine l’ermite. Il eût été difficile de choisir un site plus propice pour un semblable édifice, car la chapelle, bâtie parmi ces rocs escarpés, est au milieu d’un désert, même dans le voisinage immédiat d’une riche, populeuse et bruyante capitale, et le bruit de la ville pouvait se mêler aux oraisons de l’anachorète sans l’émouvoir davantage pour le monde que si c’était le murmure lointain de l’Océan.
Au penchant de la hauteur où ces ruines sont encore visibles, on montrait, et peut-être encore montre-t-on l’endroit où le misérable Nicol Muschat, déjà cité dans cette histoire, avait terminé une longue suite de cruautés contre sa femme en l’assassinant avec les raffinemens d’une
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