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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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sous ses voiles pourtant très fins, la belle Diane donnait le sentiment d’être la fille de son mari et l’épouse de son père. Il est vrai que Jean de Saint-Vallier comptait quinze ans de moins que son gendre, et que Louis de Brézé ne faisait aucun effort pour se rajeunir. Pour l’heure, abîmé dans ses prières, il semblait impassible à l’incessant bavardage du père de Diane.
    — Ma petite fille, chuchotait le gentilhomme, je vous aurais crue plus curieuse d’apprendre ce qui s’est dit à Lyon, chez Madame...
    — Je ne savais pas que Madame vous avait reçu !
    Saint-Vallier se rengorgea.
    — Le motif de l’audience m’était offert par la mort, à La Bicoque, du jeune Miolans, et par le sort que la Maison de Savoie entend réserver à son orpheline.
    — Parlez plus bas, dit Diane.
    — Oui... Je vous ai dit, reprit-il en sourdine, que l’on a bien voulu approuver un projet de mariage de cette enfant avec votre frère Guillaume. Seulement... Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que voyant la mère du roi si bien disposée, j’ai profité de l’entrevue pour évoquer une autre affaire.
    La grande sénéchale s’affaissa sur son prie-dieu, sans que sa piété – certes irréprochable – en fût la cause. Son père poursuivait.
    — J’ai cru pouvoir m’ouvrir à Madame d’un vieux procès qui oppose notre famille à la Couronne. Ne me regardez pas comme cela ; n’étais-je pas dans mon droit ?
    — Parlez plus bas, dit Diane.
    — Pardon... Du reste, Madame s’est montrée conciliante. « Fiez-vous à moi, je ferai vider votre procès » : ce sont là ses propres termes. Nous verrons ce qu’il en advient. En attendant vous ne trouvez pas que votre père a bien fait ?
    Si Jean de Saint-Vallier espérait des compliments, ils ne vinrent pas.
    — Alors, je suis allé plus loin.
    Diane sentit son estomac se nouer. Son père s’échauffait tout seul.
    — Ne sommes-nous pas, ma petite fille, liés par un pacte, vous et moi ?
    Il attendait un signe de connivence qui ne vint pas. 
    — Il se trouve, reprit-il, que je me suis investi sans compter dans la dernière campagne en Italie, et que cette petite aventure m’a tout de même coûté quarante mille livres. Quarante mille livres qui viennent s’ajouter à tout le reste !
    — De grâce, parlez moins fort !
    — Je ne suis pas le seul à parler.
    De fait, un bourdonnement s’amplifiait dans la nef, à mesure qu’avançait la messe ; l’assistance, de moins en moins recueillie, en venait même à déambuler dans la cathédrale, échangeant de discrets saluts et de petites nouvelles...

    C’est Diane de Brézé qui relança l’échange.
    — Et que vous a répondu Madame ?
    — Eh bien, justement : des choses peu engageantes.
    — Mais encore ?
    — Vous voyez : c’est vous qui me poussez au bavardage ! Réponse de Madame : « Je solde vos frais, mais à la condition que vous m’aidiez à lancer le connétable contre ces bandes de brigands qui mettent à sac des provinces entières. » Enfin ! Vous qui connaissez votre père ; l’imaginez-vous en sergent de prévôt ?
    Diane pensa que Madame avait trouvé ce moyen d’occuper le connétable, et d’éviter qu’il ne se laissât séduire par une alliance éventuelle avec l’Empire ou l’Angleterre.
    — Vous avez refusé ?
    Cette fois, la question venait du grand sénéchal lui-même, dont l’oreille avait dû traîner...
    — Évidemment !
    Jean de Saint-Vallier releva le menton ; un sourire illuminait son frais visage ; il semblait tout content de son coup d’éclat. Le vieux gendre insista, cependant.
    — Et le connétable ? Vous lui avez fait part de la proposition ?
    — Monseigneur a trouvé, comme moi, que ce serait mal employer son fer. Et je crois pouvoir dire qu’il a pris ce marchandage de travers...
    Le grand sénéchal, soudain plus qu’intéressé, céda sa place à sa femme pour se rapprocher du bavard. Un prie-dieu demeurait vide au bout de la rangée, dans l’attente d’un fidèle en retard.
    — Dites-moi, mon cher – il n’osait l’appeler « mon père » –, vous avez donc vu le connétable après votre audience chez Madame...
    — Monseigneur m’avait convié à Moulins pour banqueter, concéda-t-il.
    — Pour banqueter !
    — Oui. Il m’a même fait prier d’apporter des artichauts !
    Louis de Brézé sourit 1 .
    — Curieuse requête !
    — Le connétable est veuf endurci, et fort en veine de

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