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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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d’avance sur le roi – que le gros Henry VIII d’Angleterre, oubliant le Camp du Drap d’or et jetant bas tous les masques, était passé bel et bien dans le camp impérial, et que cette fois, ouvertement, il déclarait la guerre à la France.
    1 - Deux heures de l’après-midi.
    2 - Anne était alors un prénom mixte.

Chapitre IV
    Été 1522
    Palais de Lyon.
    L a pluie ruisselait aux verrières. Ses reflets dessinaient de curieuses ridules mouvantes sur le visage de Marguerite, brouillant ses traits singuliers. Depuis l’installation de la Cour à Lyon, la princesse passait le plus clair de son temps en compagnie de sa mère. Ce jour-là, feuilletant un paquet de lettres, elle lui rappelait les avantages de faire lire aux chrétiens l’Évangile dans le texte, et non dans ces versions abâtardies qui n’évoquaient plus rien à personne. Elle répercutait, ce faisant, les conseils que Mgr Briçonnet, l’infatigable évêque de Meaux, lui prodiguait à longueur d’épîtres.
    — Le bon père m’écrit que le feu, le vrai feu est dans notre cœur ; dans le mien, dans le vôtre, dans celui du roi...
    Elle se tourna vers sa mère.
    — Il nous recommande aussi les écrits de Lefèvre d’Etaples. Saviez-vous que ce maître avait rejoint Meaux ?
    — Meaux est un foyer de jacqueries, répondit Madame. Beaucoup de grains, beaucoup de laine... Il faut se méfier de ces cardeurs et autres ouvriers.
    — Et s’ils étaient appelés, tout au contraire, à former le levain d’une foi régénérée ?
    — La religion est une chose, ma fille. La politique en est une autre.
    — Je ne parlais pas de politique.
    — Il convient d’en parler toujours. Personne n’y échappe : même le nouveau pape est un ancien conseiller de l’empereur Charles !
    — Je ne dis pas autre chose...
    — Marguerite, enfin ! Le royaume est en guerre ; nos frontières sont menacées, les Anglais seront bientôt en Picardie... Partout rôde la famine qui fait, comme chacun sait, le lit des épidémies. Paris nous mégote ses deniers, des brigands saignent nos provinces – et vous, ma fille, m’entretenez de théologie !
    Marguerite s’apprêtait à répliquer, mais sa mère ne lui en laissa pas le temps.
    — Un jour, vous comprendrez, mon enfant. Vous êtes déliée, fine même ; la politique n’aura pour vous aucun secret... En votre sang, ma chérie, je reconnais le mien, plus peut-être que chez votre frère...
    — Mère !
    — Allons... Apportez-moi donc ce carreau, conclut-elle en désignant un grand coussin de velours frappé. Placez-le dans mon dos, si vous pouvez.
    Madame était, ce jour-là, sujette à l’une de ces crises de goutte qui, régulièrement, la terrassaient. Clouée au lit de repos qu’elle avait fait installer dans sa chambre, elle tâchait de soulager ses douleurs à l’aide d’une huile au genévrier dont le parfum piquant embaumait l’espace. Pour rien au monde elle n’aurait consenti à s’aliter vraiment ; c’eût été, à ses yeux, une première concession à la mort qu’elle redoutait tellement.
    — Marguerite, reprit-elle en attrapant la main de cette fille qu’elle admirait, quoique sans la comprendre toujours ; il faut que je vous confie ce qui m’inquiète et me perturbe.
    — Oui, mère, dites-moi.
    — Il s’agit du retour de ce mauvais Lautrec. Voilà des semaines que j’intriguais pour le tenir loin de votre frère. Et voilà que le connétable qui se proclame désormais mon ennemi – quand c’est moi qui devrais lui en vouloir – voilà que le duc de Bourbon profite de notre séjour ici pour s’annoncer à la Cour et nous rapporter cet incapable dans ses charrois ! Je sais le roi remonté contre les frères de la Châteaubriant ; j’ai mesuré la force de son ressentiment pour ces gens-là. Mais dans le même temps, je connais mon fils ; il est si prompt à changer d’avis ! Le savoir, en ce moment même, en train de conférer avec cet homme-là, voilà ce qui me crucifie.

    En vérité, un étage plus bas, l’audience de Lautrec avait pris fin depuis longtemps, laissant le roi surpris, choqué même de ce qu’il y avait appris. A peine le maréchal avait-il quitté la pièce que le roi, toute affaire cessante, avait convoqué M. de Semblançay, général des Finances.
    La prestance du baron n’impressionnait nullement son maître. D’ailleurs, depuis que la Cour résidait à Lyon, François avait pris l’habitude de le recevoir plus souvent, de

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