Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
Vom Netzwerk:
manière informelle, afin de se familiariser à ces matières jusque-là captées par sa mère.
    — Semblançay, lança-t-il sans lui proposer de s’asseoir, vous avez eu, n’est-ce pas, beaucoup de mal, l’hiver dernier, à réunir des fonds pour M. de Lautrec.
    — Oui, sire.
    — Cependant vous y êtes parvenu. Je vous en félicite.
    Dehors, la pluie venait de redoubler ; elle tambourinait en grêle aux carreaux.
    — Il y a moins d’un an, poursuivit le roi en levant un moment le nez de ses papiers, nous avions promis, vous et moi, à M. de Lautrec qu’il trouverait de l’argent à Milan ; et que si, l’argent d’Italie venait à manquer, le Languedoc y suppléerait. C’est bien cela ?
    — Oui, sire, exactement.
    — Dites-moi si je fais erreur : les banquiers de Florence ont préféré, en fin de compte, prêter à l’empereur plutôt que me tenir parole...
    — Hélas, sire !
    — Et cependant vous avez trouvé d’autres fonds. Vous rappelez-vous le montant des sommes affectées aux armées d’outremonts ?
    — Plus ou moins quatre cent mille écus.
    — Quatre cent mille écus !
    Le roi ne s’intéressait plus aux liasses ; pâle de colère contenue, il fixait à présent son trésorier dans les yeux.
    — Voyez-vous, je viens de recevoir M. de Lautrec en audience. Eh bien, aussi aberrant que cela paraisse, il m’a juré n’en avoir jamais vu la couleur ! Quatre cent mille écus.
    La voix du roi résonnait sous la voûte. Le baron répondit du ton le plus uni.
    — Cela n’est guère étonnant, sire.
    — Ah non ? Mais alors, comment expliquez-vous ce prodige ?
    François avait frappé la table du poing. Sa barbe frémissait maintenant d’une irritation impossible à cacher. Le baron désigna discrètement les secrétaires. Le roi comprit ; il pria tout le monde de sortir et de s’éloigner des portes. Alors le grand commis se sentit libre de tout révéler à son maître.
    — Eh bien voilà... Les quatre cent mille écus ont bien été réunis ; seulement ils n’ont jamais franchi les monts.
    — Je crois bien, toussa le roi. Et pourquoi cela, je vous prie ?
    — La question de Votre Majesté me place dans une situation délicate...
    — Parlez, Semblaçay, dites-moi tout !
    — C’est-à-dire... Autant que vous le sachiez : Madame avait réclamé la même somme entre-temps.
    — Réclamé ? Ma mère ?
    — Disons que Madame a dû solliciter pour son usage les fonds initialement destinés au maréchal. Selon les propres directives de Votre Majesté, je n’ai pu faire autrement qu’accéder à ses augustes instances...
    Le roi scruta son grand commis d’un regard noir. Ses longues paupières en amande lui conféraient, lorsqu’il était en colère, des airs de satrape ou de grand vizir.
    — Allons, disparaissez ! ordonna-t-il. Je vous ferai connaître mes arrêts en temps voulu.
    Le baron, impassible en apparence, s’inclina profondément avant de quitter le cabinet.
    Le roi demeura seul quelques minutes, respirant fort. Tout à coup, il repoussa son fauteuil, se leva, le regard fixe, et se rendit tout droit chez sa mère.
    Cathédrale de Rouen.
    I ncensum istud dignetur Dominus benedicere, et in odorem suavitatis accipere.
    Des volutes d’encens, blanches et grasses, montèrent vers les voûtes, où elles s’étiolèrent en un voile opaque, avant de répandre leurs puissants effluves sur la foule recueillie, serrée debout. En ce jour d’Assomption, la cathédrale de Rouen avait revêtu ses atours de fête ; des centaines de cierges y brûlaient en dépit du jour ; et l’on avait jonché le sol de tout petits branchages en guise de tapis. C’est que cette grand-messe rassemblait la ville entière autour de ses pasteurs et de ses maîtres. Le cardinal-archevêque et tout son chapitre, parés de lourdes chasubles, la voulaient solennelle, grandiose – comme un avant-goût du Jugement dernier.
    Rouen, deuxième ville du royaume et l’une des plus actives d’Europe, manifestait ainsi sa puissance. À la croisée du transept, entre la nef où se pressaient les laïcs, et le chœur, dévolu aux clercs, s’alignaient derrière d’opulents prie-dieu le grand sénéchal de Normandie, son épouse et son beau-père, parmi quelques autres sommités dont le représentant du duc d’Alençon, gouverneur de la province. Tous incarnaient la sujétion des instances civiles aux autorités religieuses et partant, celle du trône à l’autel.
    À peine visible

Weitere Kostenlose Bücher