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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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trouvèrent enfin réunis. Gautier venait tout droit de Burgos, avec des plis d’importance pour la régente. Simon avait suivi le convoi depuis Blois.
    Ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre, échangèrent des bourrades et, se dévisageant comme si des décennies les séparaient de leur dernière entrevue, raillèrent qui la barbe de l’un, qui la coiffure de l’autre... L’aîné, depuis quelques semaines, avait en effet décidé de ne plus se raser, ce qui durcissait son regard ; le cadet s’était laissé pousser les cheveux jusqu’aux épaules.
    — Quel animal de tripot tu fais ! se moqua Gautier, saumâtre.
    Simon ne sut quoi répondre. Son large sourire et son regard presque implorant paraissaient requérir l’indulgence du grand frère – à moins qu’ils n’eussent reflété, comme autrefois, l’admiration sans borne qu’il lui portait. Depuis le départ du cortège, le petit avait su se rendre utile à tous, et se forger la réputation d’un garçon serviable. On n’aurait pu en dire autant de Gautier qui, au service exclusif de son maréchal, refusait désormais de se charger du moindre pli étranger aux missions.
    — J’ai l’impression qu’on mène la belle vie, à Blois...
    — Je m’amuse, répondit Simon sans cesser de sourire. On est toute une bande.
    — Je connais. Des nouvelles de la maison ?
    Simon le renseigna sur la vie familiale : il s’était rendu deux fois à Compiègne depuis leur dernière entrevue. Gautier pinça les fesses de son jeune frère.
    — Toujours pas amoureux ?
    Simon secoua la tête, et y perdit le sourire. En vérité, la question ne l’avait pas blessé ; mais elle venait de lui remettre en mémoire une mission délicate.
    — Ne fais pas cette tête, dit Gautier, on dirait mes pénitents espagnols !
    — C’est un peu cela... Il faut que je te dise quelque chose. C’est à propos de Françoise.
    — Pitié, non ! Ne me parle plus de Françoise !
    — Elle m’avait confié du courrier pour toi...
    — Ne me parle plus de Françoise !
    — Au moins trois ou quatre lettres... Cinq, en fait...
    — Simon, ne-me-parle-plus-de-Françoise, ou bien je me fâche vraiment.
    Le cadet grimaça. Il allait changer de sujet, soulagé de s’en être sorti à peu de frais, quand l’autre y revint de lui-même.
    — Attends : des lettres datées de quand ?
    — De quand ?
    Simon semblait avoir perdu la voix.
    — Elles ont peut-être un an...
    — Un an !
    — Ou un peu plus...
    Gautier cramponna son frère par le gilet et, le décollant presque du sol, le plaqua contre un mur.
    — Tu es en train de me dire que tu possèdes, depuis un an et demi, des lettres de Françoise qui m’étaient destinées, et que tu ne m’aurais pas données ?
    — On ne s’est pas vu depuis si longtemps !
    La colère empêchait presque Gautier de parler ; la colère, mais aussi une crainte affreuse...
    — Donne !
    Le jeune homme sortit de son sac un petit paquet de lettres fatiguées d’avoir attendu si longtemps. Quand leur destinataire eut déchiffré la première, il laissa échapper un bref cri de douleur et, soudain accroupi, le front dans la main droite, demeura silencieux un moment ; il respirait de manière douloureuse.
    Debout non loin – mais tout de même à distance respectueuse – Simon se mordillait la lèvre inférieure ; ses yeux traduisaient le plus parfait affolement.
    — Gautier ?
    — Tais-toi. Tais-toi et disparais !
    — Gautier !
    — File, avant que je ne te tue ! Sors de ma vie à jamais !
    Il se déplia d’un coup et se mit à hurler comme un dément.
    — À jamais, tu m’entends ? À jamais !
    Simon, paniqué, quitta la grange en renversant un broc, en se cognant violemment à la porte.
    Sur la route des Pyrénées .
    L a régente, torturée par la goutte, ne supportait qu’avec peine les longues étapes du voyage vers le fleuve frontalier de la Bidassoa. Même installée mollement sur les coussins de sa litière, elle affirmait souffrir le martyre, et menaçait de rendre l’âme en chemin. À chaque halte, les médecins s’agglutinaient autour de la basterne, proposant des solutions que la patiente, habituée à souffrir sans remède, refusait de seulement tester.
    — Si ma fille était là, elle me conseillerait...
    Mais Marguerite, elle-même souffrante, avait dû s’arrêter en chemin, et laisser filer le cortège.
    — Elle ne voulait pas être là au pire moment, sifflait parfois Louise,

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