La Régente noire
disposant toutes ses dames au pied du grand escalier, et se fondant au sein de leur troupe frémissante, amusée. François, peu soucieux de blesser personne, préféra ne pas se risquer d’entrée : il ôta son bonnet de velours et fit la révérence à toutes ! Courtoisie de vrai chevalier.
Enfin sa promise se dénonça ; et sans être ébloui, le roi de France se dit qu’il aurait pu tomber pire. Elle, de son côté, tremblait d’extase à la vue de ce haut gentilhomme empli de force et de gaieté. Son second époux promettait de la venger des infirmités du premier...
L’ancienne reine de Portugal voulut baiser la main de son futur époux, tout respectueusement. Mais François la releva bien vite et, d’un geste qui démontrait, s’il en était besoin, son aisance aux choses de l’amour, l’attira vers lui et l’embrassa sur la bouche. Loin de s’en formaliser, la sœur de l’empereur prit cette entrée en matière comme l’assurance d’une union qu’elle-même avait rêvée amoureuse.
— J’avais promis à Mme d’Alençon de l’appeler bientôt ma sœur, dit-elle.
— Et moi, renchérit le roi, je me promettais dès longtemps de vous nommer m’amie !
Dans les salons sobres et les jardins profus du château d’Illescas, les festivités durèrent une semaine entière, prenant le tour de fiançailles blanches. On fêtait officiellement l’heureuse conclusion des négociations de Madrid, quoique dans un état d’esprit différent de part et d’autre ; car si Éléonore se réjouissait en son for intérieur de ce mariage inespéré, le roi de France, lui, le regardait comme une obligation parmi les autres... Et pas forcément comme la plus légère.
L’empereur, à ces fêtes, brilla par son absence. C’est qu’il se trouvait à Séville pour y filer le parfait amour avec sa nouvelle et très belle épouse, Isabelle de Portugal. Sans se montrer envieux ni mesquin, le roi de France ne put s’empêcher de songer que cette autre mariée n’avait guère de chance, et que la Maison de Habsbourg enfiévrait rarement les souverains qu’elle honorait de ses alliances.
Sur la route de la Bidassoa.
L es deux premiers fils de France avaient atteint cet âge où, dans l’éducation royale, les garçons passaient des femmes aux hommes, des gouvernantes aux gouverneurs. À la fin du mois de février, François devait fêter ses huit ans ; Henri en aurait sept, le 31 mars. La grand-mère – quand elle se fut faite à l’idée du terrible échange – s’était souciée d’habituer les deux aînés à vivre séparés du reste de la fratrie. Idée salutaire, au vrai, venant de Diane de Brézé, qui l’avait soufflée à Madame. Il faut dire que, depuis la mort de la reine Claude, et sans doute même avant cela, cette femme de tête avait fait office de maman pour les petits princes ; à commencer par Henri qu’elle avait plus ou moins, et depuis longtemps, institué son préféré.
— Vous allez faire un voyage extraordinaire, un voyage comme on n’en fait jamais à votre âge, avait-elle répété aux deux garçons.
— Mais un voyage, pour aller où ? avait demandé un prince Henri tout armé de bon sens.
On sentait de l’angoisse percer dans sa voix ; de son côté, le dauphin perdait le sommeil et l’appétit.
Diane avait dû leur expliquer, avec toute la diplomatie du monde, qu’en remplaçant leur père derrière les montagnes, les princes allaient faire plaisir à leur grand-mère, et se montrer dignes des obligations dues à leur état... Des larmes accueillirent ces belles paroles.
Le 17 février, la régente Louise, à la tête d’un imposant convoi, passa donc par Amboise chercher ses petits-fils. Ils l’embrassèrent sans façon. Au demeurant, Madame leur parut plus proche, plus aimante sans doute, que de coutume. Elle souriait volontiers à leurs remarques, se souciait pour une fois de leurs petits désirs, allait jusqu’à répondre elle-même aux questions qu’ils venaient à poser...
Cette douceur inédite aurait pu leur plaire ; elle eut pour effet de les effrayer.
Tout le train de la Cour s’était remis en marche vers le sud, rameutant les foules au passage. Par Tours, par Châtellerault qui menaçait de faire retour au connétable, les enfants et leur suite se rapprochèrent des Pyrénées funestes, au rythme lent de leur interminable caravane.
Poitiers .
C ’est dans l’écurie d’une auberge que les frères de Coisay se
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