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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ian Caldwell
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afin que vous puissiez en juger par vous-même. Je reste à votre disposition pour toute information complémentaire.
    Bien à vous,
    Pr Vincent Taft
     
    Nous restons sans voix. L’ogre se tourne vers nous.
    — J’ai consacré trente ans de ma vie à ce livre, déclare-t-il d’une voix dont le calme me fait frémir. Et vous voudriez que les résultats ne portent pas mon nom ? Tu n’es pas reconnaissant, Paul. Tu ne Pas jamais été. Tu ne m’as pas remercié quand je t’ai présenté Steven Gelbman, ni quand tu as obtenu l’accès à la salle des livres rares, ni même quand je t’ai accordé ces innombrables délais supplémentaires pour un travail sans valeur. Je ne te permettrai pas de m’enlever ça, poursuit Taft. J’ai attendu trop longtemps.
    — Mais ils ont mes rapports d’étape, bégaie Paul, abasourdi. Ils ont les registres de Bill.
    — Ils n’ont jamais lu une ligne de toi, Paul, dit Taft en ouvrant un tiroir d’où il extrait une liasse de formulaires. Et ils n’ont certainement pas les registres de Bill.
    — Ils sauront que ce n’est pas vous qui l’avez écrit. Vous n’avez rien publié sur Francesco depuis vingt-cinq ans. Vous ne travaillez même pas surl’ Hypnerotomachia.
    Taft caresse sa barbe.
    — Le Renaissance Quarterly a eu droit à trois versions préliminaires de mon article. J’ai reçu plusieurs appels me félicitant pour la conférence d’hier soir.
    Je me souviens maintenant de la correspondance de Stein : cette idée remonte à loin, Stein et Taft se sont disputé pendant des mois le pillage des travaux de Paul.
    — Il y a les conclusions, dis-je, constatant que Paul lui-même semble l’avoir oublié. Nul ne les connaît.
    Je m’attends à une réaction brutale, mais Taft semble plutôt amusé.
    — Déjà les conclusions, Paul ? À quoi faut-il attribuer ce soudain succès ?
    Il est au courant pour le journal.
    — Vous vous êtes arrangé pour que Bill le trouve, murmure Paul.
    — Vous ne savez toujours pas ce qu’il a découvert, insisté-je.
    — Et vous, jeune homme, lance Taft en se tournant vers moi, vous êtes aussi naïf que votre père. Si un enfant peut comprendre le sens de ce journal, vous croyez que moi, j’en suis incapable ?
    Paul est sonné. Ses yeux cherchent quelque chose dans la pièce.
    — Mon père savait bien que vous étiez fou, dis-je.
    — Votre père est mort en attendant qu’une muse lui chuchote les réponses à l’oreille.
    Il éclate de rire.
    — L’érudition est affaire de rigueur, pas d’inspiration. Il ne m’a pas écouté et il en a crevé.
    — Il avait raison, pour le livre. C’est vous qui aviez tort.
    Le regard de Taft s’emplit de haine.
    — Je n’ignore rien de ce qu’il a fait, jeune homme. À votre place, je ne serais pas si fier.
    Je ne suis pas sûr d’avoir compris. Je cherche Paul du regard, mais il s’est éloigné du côté des étagères. Taft se penche vers moi.
    — Peut-on le lui reprocher ? L’échec. Le discrédit. Le rejet de son livre a été le coup de grâce.
    Je me retourne, foudroyé.
    — Et il a osé agir avec son fils dans la voiture, reprend Taft. Quelle délicatesse…
    — C’était un accident, protesté-je.
    Taft sourit. Dans sa bouche, je vois mille dents.
    Je m’avance. Charlie tente de me barrer la route, mais je repousse sa main. Taft se lève lentement.
    — Et c’était votre faute ! dis-je, vaguement conscient que je suis en train de hurler.
    Charlie essaie de nouveau de me retenir, mais je me dégage et m’avance jusqu’à ce que le bord de la table creuse la cicatrice de ma jambe. Taft vient se placer devant moi, soudain accessible.
    — Il te cherche, Tom, murmure calmement Paul, à l’autre bout de la pièce.
    — Non, c’est sa faute à lui, rétorque Taft.
    La dernière chose que je vois avant de le pousser de toutes mes forces, c’est son sourire. Il s’affale, entraîné par son propre poids, et j’ai l’impression de sentir une onde sismique craquer le parquet. Ensuite, tout se fragmente : les exclamations de voix, ma vision brouillée et, encore une fois, les mains de Charlie qui essaient de me ramener à la réalité.
    — On s’en va, dit-il.
    Je lutte pour me dégager, mais Charlie, cette fois, me tient fermement.
    — On s’en va, répète-t-il à Paul, le regard fixé sur Taft, qui est allongé par terre.
    Il est trop tard. Taft se relève déjà et fonce sur moi.
    — Je vous interdis de faire un pas de

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