La règle de quatre
plus, lui intime Charlie en levant la main.
Taft me lance un regard furieux derrière le bras tendu de Charlie. Paul ne les voit même pas. Il cherche quelque chose dans la pièce. Taft a recouvré ses esprits et s’empare du téléphone. Charlie prend conscience du danger.
— Filons, nous Ordonne-t-il en reculant. Tout de suite.
Taft compose trois chiffres que Charlie a trop souvent vus affichés pour pouvoir les confondre.
— Police ? énonce Taft en ne me lâchant pas des yeux. Venez tout de suite. On m’attaque dans mon bureau.
Charlie me pousse vers la porte.
— Cours, dit-il.
Au même moment, Paul se jette sur le coffre-fort ouvert et s’empare de ce qui reste à l’intérieur. Puis il se rue sur les étagères, déplace les livres et les papiers, retourne tous les objets qui lui tombent sous la main. Quand il a enfin réuni une pile de documents, il se précipite à son tour hors de la pièce, avec à peine un regard pour Charlie et moi.
Nous lui emboîtons le pas. J’entends Taft décliner mon nom à la police. Sa voix me poursuit par la porte ouverte, jusqu’au fond du couloir.
Alors que nous fonçons en direction de l’escalier de la cave, une bouffée d’air froid glace nos têtes. Deux proctors viennent de surgir au rez-de-chaussée.
— Restez où vous êtes ! ordonne le premier, du haut de l’escalier étroit.
Nous nous immobilisons.
— Police du campus ! Pas un geste !
Paul jette un coup d’œil par-dessus mon épaule, vers le fond du couloir. Il tient les papiers de Taft serrés dans sa main gauche.
— Fais ce qu’ils disent, Paul, le supplie Charlie.
Je sais ce qui attire son attention. Il y a un placard à balais, plus loin. Et à l’intérieur, un accès aux tunnels.
— C’est dangereux, par là, chuchote Charlie en s’approchant pour le retenir. Ils ont commencé des travaux et…
Persuadé qu’il veut fuir, un des proctors dévale l’escalier. Paul est déjà devant la porte.
— Stop ! hurle le proctor. N’entrez pas là-dedans !
Paul retire le panneau de bois à l’intérieur du placard et disparaît dans le souterrain.
Charlie n’hésite pas et s’élance à la suite, saute à son tour dans le tunnel. J’entends le bruit sourd de ses pieds qui atteignent le sol ; puis sa voix, qui crie le nom de Paul.
— Sortez ! hurle un proctor, qui me bouscule au passage.
Son collègue passe la tête dans le trou, mais seul le silence lui répond.
— Qu’on appelle des renf…
Un effroyable grondement rugit du fond des tunnels. La salle des chaudières, tout près, commence à siffler et à chuinter. Je comprends aussitôt ce qui s’est passé. Une canalisation a sauté. Et maintenant, j’entends les hurlements de Charlie.
Je me rue dans le placard. L’accès au tunnel n’est guère tentant, mais je n’ai pas le choix. Je saute et j’atterris durement sur mes pieds, gonflé d’adrénaline, si bien que je sens à peine la douleur dans ma jambe. Je me force à avancer, guidé par les gémissements de Charlie, que je perçois malgré les beuglements du proctor.
— Qu’on appelle l’ambulance ! me crie-t-il dans le tunnel. Vous m’entendez ?
J’avance dans un brouillard dense. Malgré la chaleur, je n’ai qu’une idée : retrouver Charlie. Pour la deuxième fois, le bruit de la vapeur qui s’échappe emplit les tunnels.
Les gémissements de Charlie se rapprochent. J’avance à tâtons. Il est là, dans un tournant, recroquevillé, immobile. Ses vêtements sont déchirés, ses cheveux plaqués sur son crâne. Mes yeux s’habituent à l’obscurité et je distingue, plus loin, un trou béant dans un tuyau gros comme un baril, au ras du sol.
— Hmmm, gémit Charlie.
Je ne comprends pas.
— Hmmm…
Je réalise qu’il essaie de prononcer mon nom. Il est trempé. Il a pris le jet de vapeur en plein ventre.
— Tu peux te lever ?
J’essaie de glisser son bras sur mon épaule.
— Hmmm…, marmonne-t-il en perdant conscience.
Serrant les dents, je tente de le soulever. Autant déplacer une montagne.
— Ah non, Charlie, dis-je en le secouant doucement. Pas ça.
Mais je m’adresse à quelqu’un qui n’est plus là. Il est de plus en plus lourd.
— Au secours ! À l’aide !
Ses vêtements sont déchirés et saturés d’eau à l’endroit où le jet de vapeur l’a percuté. Il respire difficilement.
— Mmmm…, gargouille-t-il en essayant de refermer un doigt sur ma main.
J’essaie de
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