La règle de quatre
qu’elle a en main.
Question capitale, aux multiples implications possibles. Je réfléchis. Paul a couvert ses mains de ses manches avant de toucher aux lettres de Stein, pour ne pas laisser d’empreintes. Et personne n’a pu voir nos visages dans le noir.
— Non.
Mme l’inspecteur se frotte les lèvres l’une contre l’autre, comme font certaines femmes pour mieux répartir le rouge. Elle me montre une feuille de papier extraite de son dossier ; une photocopie du registre que nous avons signé devant le gardien du musée. La date et l’heure sont tamponnées à côté de nos noms.
— Comment êtes-vous entré dans la bibliothèque du musée ?
— Paul avait le code, dis-je, renonçant à mentir. Il l’avait obtenu de Bill Stein.
— Le bureau de Stein était sous scellés. Que cherchiez-vous ?
— Je ne sais pas.
Elle me lance un regard qui se veut plein de sympathie.
— Je crains que votre ami Paul ne vous attire plus d’ennuis que vous ne le soupçonnez.
J’attends qu’elle précise ses insinuations, qu’elle formule clairement une accusation, mais elle élude.
— Votre nom se trouve bien sur ce registre, n’est-ce pas ? ajoute-t-elle en rangeant la photocopie. Et c’est bien vous qui avez frappé le professeur Taft.
— Je n’ai pas…
— Curieux que ce soit votre ami Charlie qui ait tenté de réanimer William Stein.
— Charlie fait partie de l’équipe d’urg…
— Et où se trouvait Paul Harris pendant ce temps ?
Le masque tombe. Le regard qui me scrute n’est plus celui de la gentille maman.
— Protégez-vous, Tom.
Je ne sais s’il s’agit d’une menace ou d’un conseil.
— Votre ami Charlie est dans le même bateau. S’il s’en sort…
Elle s’interrompt, pour être certaine que j’ai bien entendu.
— Je veux la vérité, reprend-elle.
— Je vous l’ai dite.
— Paul Harris a quitté l’auditorium avant la fin de la conférence de Taft.
— Oui.
— Il savait où était le bureau de Stein.
— Ils travaillaient ensemble. Oui.
— C’est lui qui a eu l’idée d’entrer par effraction au musée ?
— Nous ne sommes pas entrés par effraction.
— Et c’est lui qui a eu l’idée d’aller fouiller dans le bureau de Stein ?
Mieux vaut me taire. Pour l’heure, aucune réponse n’est neutre.
— Il s’est enfui du bureau du professeur Taft à l’arrivée de la police, Tom. Pourquoi faire une chose pareille ?
Elle ne peut pas comprendre. Elle ne veut pas comprendre. Je sais ce qu’elle a derrière la tête. Et moi, je ne peux m’empêcher de penser à ce qu’elle a dit sur Charlie. « S’il s’en sort. »
— Paul est le meilleur dans toutes les matières, Tom. À Princeton, il passe pour un génie. Et puis le professeur Taft découvre le plagiat. À votre avis, qui l’a prévenu ?
Une pierre après l’autre, comme s’il s’agissait d’édifier un mur entre des amis.
— William Stein, poursuit-elle, sachant que je ne ferai rien pour l’aider. Essayez d’imaginer ce que Paul a ressenti. La colère. Le dépit.
On frappe à la porte. C’est un autre agent de police.
— Inspecteur ?
— Qu’y a-t-il ?
— Quelqu’un voudrait vous parler.
— Qui ?
L’agent lit la carte de visite.
— Un représentant de l’université.
La femme hésite, puis sort de la chambre.
Un silence oppressant suit son départ. Au bout de quelques minutes, ne la voyant pas revenir, je me redresse dans mon lit. Je veux m’en aller. J’en ai assez des hôpitaux. Je peux très bien m’occuper de mon bras sans l’aide de personne. Je veux voir Charlie. Je veux savoir ce qu’ils ont dit à Paul. Ma veste est accrochée au portemanteau.
La poignée grince et la porte s’ouvre de nouveau sur l’inspecteur Gwynn.
— Vous êtes libre de partir, me lance-t-elle sèchement. Le bureau du doyen entrera en communication avec vous.
Je me demande ce qui a pu se passer dans le couloir. L’inspecteur Gwynn me tend sa carte et me fixe avec insistance.
— Mais je veux que vous réfléchissiez à ce que je vous ai dit, Tom.
Je remue la tête.
Elle s’apprête à ajouter quelque chose, mais se ravise. Sans un mot, elle tourne les talons et quitte la chambre. Une main retient la porte. Cette fois, c’est un visage familier. Gil entre, les bras chargés de cadeaux et de vêtements propres.
— Ça roule ?
— Ça peut aller. Tu as des nouvelles ?
— Will Clay m’a appelé. Il m’a
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