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La reine de Saba

La reine de Saba

Titel: La reine de Saba Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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de m’enseigner l’écriture des
Hébreux ?
    Sidéré par
la question, Elihoreph avait battu des paupières. Puis son visage s’était
illuminé d’un sourire radieux. Le premier que Makéda lui eût jamais vu.
    — Bien
sûr, ma reine ! Bien sûr que tu saurais. Rien ne pourrait être difficile
pour toi qui écris déjà tant et tant !
    Depuis, il
n’était guère de jour sans qu’ils se posent côte à côte, lisant, écrivant,
ânonnant, répétant dix fois les mêmes mots, traçant et retraçant ces lettres au
dessin fluide et souple comme de fines plantes toujours en mouvement sous la
brise.
    Et cela
s’était poursuivi ici, à Makka’h, puisqu’il fallait de nouveau patienter, afin
que Shobwa s’épuise sous le soleil. Mais les leçons d’Elihoreph s’étaient
enrichies de belles histoires.
    Le vieux
scribe possédait un rouleau d’écriture qu’il ne quittait jamais, serré contre
sa maigre poitrine même pendant la nuit. Selon lui, c’était là l’ouvrage des
pères de ses pères, une écriture remontant au moins à quatre ou cinq
générations.
    — Ils
y racontent toute l’histoire de notre peuple depuis le jour où l’Éternel a
appelé Abraham pour lui commander de marcher jusqu’au jardin de miel de Canaan.
    — Un
jardin de miel ? avait souri Makéda. En voilà un rêve !
    Elihoreph
avait grommelé une protestation timide, baissant le front.
    — Pas
un rêve, ma reine, pas un rêve. Abraham l’a trouvé… Il y a planté ses tentes.
Il y a même fait un enfant à son épouse Sarah. Isaac, le premier des Hébreux.
Abraham avait cent dix ans et Sarah presque cent !
    — Elihoreph !
Les pères de tes pères se sont raconté des contes pour endormir les
enfants !
    La face si
livide d’Élihoreph avait rougi comme une prune d’Axoum. Il protestait sans trop
oser, enroulant avec embarras ses doigts noueux dans sa barbe longue comme un
fleuve.
    — Rien
n’est plus vrai, ma reine ! Rien n’est plus vrai. Et même, c’est ainsi que
Salomon est devenu roi.
    Le sourire
toujours aux lèvres, Makéda avait levé un sourcil.
    — Eh
bien, lis-moi ce rouleau. Que je comprenne. Tout est toujours si compliqué avec
vous !
    Ainsi,
elle avait écouté comment Abraham avait aimé Sarah et soudain entendu, pour la
toute première fois, la parole du dieu invisible : Abraham !
Abraham, je suis ton dieu, le seul et l’unique. Me cherche pas mon corps ni mon
visage. Ne cherche pas mon odeur et n’essaie surtout pas de faire de moi une
apparence.
    Je ne
suis rien de ce qui se voit et se sent. Mais tu m’entendras. Je suis une voix
et des paroles.
    Elihoreph
n’était pas le Zacharias de Salomon. Loin s’en fallait ! Il ne possédait
rien de sa fougue, de son exubérance. Il lisait mal et butait souvent sur les
mots écrits trop serrés. Sa voix était morne et besogneuse. Il se fatiguait
vite, il fallait tendre l’oreille. Mais Makéda avait été subjuguée par ce
qu’elle entendait.
    Elle
écoutait comment Abraham brisait les idoles des dieux de la pluie ou du vent,
les génisses que modelait son père, et elle ne voyait plus le temps passer.
Elle entendait la voix d’Abraham dans la voix d’Elihoreph, et elle comprenait
ce qu’était le jardin de miel de Canaan, et elle oubliait, pour un temps, Shobwa,
sa fureur vengeresse et son désir de voir l’enceinte de Maryab.
    Ainsi
s’était écoulée une demi-lune de plus. Assez pour que les nuées noircissent peu
à peu le ciel et que tonnent enfin les orages de la saison des pluies. À la
grande joie de Tan’Amar.
    — Qu’il
pleuve ! Qu’il pleuve vite ! Après avoir grillé, Shobwa n’y tiendra
plus ! Nous l’aurons bientôt devant nos dagues.
     
    *
     
    Coup sur
coup, deux éclairs strièrent le ciel. Un énorme craquement déchira l’air.
Makéda sursauta. Le roulement du tonnerre parut s’enfoncer dans les abîmes de
la mer. La houle blanchissait sur l’eau verte. La lumière diminuait comme si la
nuit voulait régner en plein jour.
    Dans un
frappement sourd, les premières gouttes s’écrasèrent sur la terrasse. Les
servantes crièrent. La pluie s’affala d’un coup. Si serrée, si bruyante et si
jaillissante qu’on ne voyait ni n’entendait plus rien.
    Makéda eut
à peine le temps de se retirer à l’abri de la pièce. Elle devina une présence
dans son dos. Elihoreph était là, dans une longue tunique grise où se perdait
sa barbe.
    — Ah,
dit-elle, j’avais oublié que c’était notre

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