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La Reine étranglée

La Reine étranglée

Titel: La Reine étranglée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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pas
vite, je sens que j’ai bien peu à vivre et que l’âme va s’enfuir de moi. Tout
est de la faute de messire de Marigny qui m’a voulu perdre dans votre estime et
dans celle du feu roi par dénonciation dont je jure la fausseté, et qui m’a
fait par odieux traitement réduire…»
    — Monseigneur, puis-je… un
instant encore.
    Le chapelain cherchait son grattoir
pour racler une aspérité du vélin.
    Robert dut attendre un moment, avant
de reprendre et de terminer :
    — «… réduire à la misère où je
suis. Tout est venu de ce méchant homme. Je vous prie encore de me sauver de
l’état où me voici et vous assure que je n’ai jamais cessé de vous être épouse
obéissante dans la volonté de Dieu. »
    Marguerite s’était soulevée un peu
sur son grabat. Elle ne comprenait rien à l’énorme contradiction par laquelle
on voulait maintenant qu’elle se proclamât innocente.
    — Mais alors, mon cousin, mais
alors, demanda-t-elle, tous les aveux que vous m’aviez demandés ?
    — Ils ne sont plus nécessaires,
ma cousine, répondit Robert ; ce que vous allez signer ici remplacera
tout.
    Car l’important à présent, pour
Charles de Valois, était de recueillir le plus de témoignages possible, vrais
ou faux, contre Enguerrand. Celui-ci était de taille, qui offrait en outre
l’avantage de laver, au moins d’apparence, le déshonneur du roi, et surtout de
faire annoncer par la reine l’imminence de son propre trépas. En vérité,
Messeigneurs de Valois et d’Artois étaient gens d’imagination !
    — Et Blanche, que va-t-elle
devenir ? A-t-on pensé à Blanche ?
    — Ne vous en souciez pas, dit
Robert. Tout sera fait pour elle.
    Marguerite traça son nom au bas du
parchemin.
    Robert d’Artois, alors, se leva et
se pencha au-dessus d’elle. Les assistants avaient reculé vers le fond de la
pièce. Le géant posa la main sur l’épaule de Marguerite.
    Au contact de cette large paume,
Marguerite sentit une bonne chaleur apaisante lui descendre dans le corps. Elle
croisa ses mains décharnées sur les doigts de Robert, comme si elle craignait
qu’il les retirât trop vite.
    — Adieu, ma cousine, dit-il.
Adieu. Je vous souhaite de bien reposer.
    — Robert, demanda-t-elle à voix
basse en renversant la tête pour chercher son regard, l’autre fois que vous
êtes venu et m’avez voulu prendre, me désirez-vous vraiment ?
    Nul homme n’est absolument mauvais.
Robert d’Artois eut à ce moment l’une des rares paroles de charité qui eusse
jamais passé ses lèvres.
    « Oui, ma belle cousine, je
vous ai bien aimé. »
    Et il sentit qu’elle se détendait
sous sa main, calmée, presque heureuse. Être aimée, être désirée avait été la
vraie raison de vivre de cette reine, bien plus qu’aucune couronne.
    Elle vit son cousin s’éloigner
d’elle en même temps que la lumière ; il lui paraissait irréel tant il
était grand, et faisait songer, dans cette pénombre, au héros invincible des
lointaines légendes.
    La robe blanche du dominicain, le
bonnet de loup de Bersumée disparurent. Robert poussait son monde devant lui.
Un instant il demeura sur le seuil, comme s’il éprouvait une hésitation et
avait encore quelque chose à dire. Puis la porte se referma, l’obscurité
redevint totale, et Marguerite avec émerveillement n’entendit pas l’habituel
bruit des verrous.
    Ainsi, on ne la cadenassait plus, et
l’omission de ce geste, pour la première fois depuis 350 jours, lui parut la
promesse de la délivrance.
    Demain, on la laisserait descendre,
et se promener à sa guise dans Château-Gaillard ; et puis, bientôt, une
litière viendrait la prendre et l’emporter vers les arbres, les villes et les
hommes…
    « Pourrais-je me mettre
debout ? se disait-elle. Aurais-je la force ? Oh ! Oui, la force
me reviendra ! »
    Son front, sa gorge, ses bras
étaient brûlants ; mais elle guérirait, elle savait qu’elle guérirait.
Elle savait aussi qu’elle ne pourrait pas dormir du reste de la nuit. Mais elle
aurait l’espoir pour compagnie jusqu’à l’aube !
    Soudain, elle perçu un bruit infime,
pas même un bruit, cette sorte de froissement dans le silence Que produit le souffle
d’un être vivant. Quelqu’un se tenait dans la pièce.
    « Blanche ! cria-t-elle.
Est-ce toi ? »
    Peut-être avait-on déverrouillé
aussi les fermetures du second étage. Pourtant, il ne lui semblait pas que la
porte se fut rouverte. Et pourquoi sa cousine

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