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La Reine étranglée

La Reine étranglée

Titel: La Reine étranglée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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Jugement
dernier. C’était peut-être, après tout, le Purgatoire…
    — Blanche ! cria-t-elle,
Blanche ! Ils arrivent !
    Car les cadenas, les verrous, les
portes grinçaient vraiment au bas de la tour ; des pas nombreux
résonnaient sur les marches de pierre.
    — Blanche ! Tu
entends ?
    Mais la voix affaiblie de
Marguerite, arrêtée par les épaisses fermetures qui, la nuit, séparaient les
deux geôles, ne parvint pas à l’étage supérieur.
    La lumière d’une seule chandelle
aveugla la reine prisonnière. Des hommes se pressaient dans l’embrasure de la
porte ; Marguerite ne put les dénombrer ; elle ne voyait que le géant
au manteau rouge, aux yeux clairs et au poignard d’argent qui s’avançait vers
elle.
    — Robert ! murmura-t-elle.
Robert, enfin vous voici.
    Derrière Robert d’Artois, un soldat
portait un siège qu’il déposa auprès du lit.
    — Alors, ma cousine, alors, dit
Robert en s’asseyant, votre santé ne va pas à merveille, à ce qu’on me dit, et
à ce que je vois. Vous souffrez ?
    — Je souffre de tout, dit
Marguerite ; je ne sais plus si je vis.
    — Il était grand temps que
j’arrive. Tout va bientôt être fini. Vos ennemis sont abattus. Êtes-vous en
état d’écrire ?
    — Je ne sais, dit Marguerite.
    D’Artois, faisant approcher la
lumière, observa plus attentivement le visage ravagé, asséché, les lèvres
amincies de la prisonnière, et ses yeux noirs anormalement brillants et
enfoncés, ses cheveux collés par la fièvre sur le front bombé.
    — Au moins, pourrez-vous dicter
la lettre que le roi attend. Chapelain ! appela-t-il en claquant des
doigts.
    Une robe blanche, fripée et maculée,
un crâne beige, sortirent de la pénombre.
    — L’annulation a-t-elle été
prononcée ? demanda Marguerite.
    — Comment le serait-elle, ma
cousine, puisque vous vous êtes refusée à déclarer ce qu’on vous demandait ?
    — Je n’ai pas refusé. J’ai
accepté. J’ai tout accepté… Je ne sais plus. Je ne comprends plus.
    — Qu’on aille chercher une
cruche de vin pour la soutenir, dit d’Artois par-dessus son épaule.
    Des pas s’éloignèrent dans la
chambre et dans l’escalier.
    — Rassemblez vos esprits, ma
cousine, reprit d’Artois. C’est maintenant qu’il faut accepter ce que je vais
vous conseiller.
    — Mais je vous ai écrit,
Robert ; je vous ai envoyé une lettre, pour que vous la remettiez à Louis,
et où je déclarais… tout ce que vous souhaitiez… que ma fille n’était point de
lui…
    Les murs, les visages lui semblaient
vaciller autour d’elle.
    — Quand ? demanda Robert.
    — Mais voici longtemps… des
semaines, deux mois il me semble, et j’attends depuis d’être délivrée…
    — À qui avez-vous confié cette
lettre ?
    — Mais… à Bersumée.
    Et soudain Marguerite pensa,
affolée : « Ai-je vraiment écrit ? C’est affreux, je ne sais
plus… je ne sais plus rien. »
    — Demandez à Blanche,
murmura-t-elle.
    Il se fit un grand bruit auprès
d’elle. Robert d’Artois s’était levé, et secouait quelqu’un par le collet en
criant si fort que Marguerite avait peine à comprendre les mots.
    — Mais, oui, Monseigneur,
moi-même… je l’ai portée… répondait la voix affolée de Bersumée.
    — Où l’as-tu remise ? À
qui ?
    — Lâchez-moi, Monseigneur,
lâchez-moi ! Vous m’étouffez. À Monseigneur de Marigny. J’ai obéi aux
ordres.
    Le capitaine de forteresse ne put
esquiver le coup de poing qui l’atteignit en plein visage, un vrai coup de
masse sous lequel il gémit et oscilla.
    — Est-ce que je m’appelle
Marigny ? hurlait d’Artois. Quand on te charge d’un pli pour moi, est-ce à
un autre que tu dois le remettre ?
    — Mais il m’avait affirmé,
Monseigneur…
    — Tais-toi, animal. Je
m’occuperai de solder ton compte un peu plus tard ; et puisque tu es si
fidèle à Marigny, je vais t’envoyer le rejoindre dans son cachot du Louvre, dit
d’Artois.
    Puis, revenant à Marguerite :
    — Je n’ai jamais reçu votre
lettre, ma cousine. Marigny l’a gardée pour lui.
    — Ah ! bien !
fit-elle.
    Elle était presque rassurée ;
au moins acquérait-elle la certitude d’avoir vraiment écrit.
    À ce moment, le sergent Lalaine
entra, apportant la cruche demandée. Robert d’Artois se rassit, et regarda
boire Marguerite.
    « Que ne me suis-je muni de
poison ! se dit-il. C’eût été peut-être le moyen le plus facile. Je suis
sot de

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