La Reine Sanglante
regarda avec un œil méprisant Simon qui s’éloignait sans plus s’occuper d’elle :
« Va !… Va, au Louvre et au Temple, tirer profit des paroles que je t’ai répétées… Mais il est de plus importants secrets que j’ai recueillis ; ceux-là, je saurai bien en tirer profit pour moi seule, et, avec l’aide du Ciel, dommage et châtiment exemplaire pour ta maudite personne… »
Cependant, Simon Malingre, assez étonné que Gillonne l’eût laissé aller seul, se dirigeait rapidement vers le Louvre où il arrivait sans encombre.
Par ses fonctions auprès d’un puissant personnage comme l’était son maître, Malingre était à même de connaître autant que personne de la cour nombre de personnages et officiers. Arrivé tout haletant au Louvre, Simon s’informa du nom des officiers en ce moment de service.
Parmi les noms qu’on lui cria, il retint ceux de deux officiers appartenant à un corps placé sous les ordres directs de Valois et, parmi ces deux-là, celui d’un officier qui, approchant de près fréquemment son supérieur, le connaissait, lui Simon, comme l’âme damnée du comte.
Malingre n’hésita pas et se fit conduire directement auprès de cet officier à qui il raconta la première histoire venue et qu’il décida facilement à faire ce qu’il avait jugé utile à ses desseins, en lui faisant valoir qu’il rendrait là un service dont Valois saurait lui tenir compte.
Le résultat de cet entretien fut que, quelques instants plus tard, Simon Malingre, monté sur un excellent cheval, filait ventre à terre vers le Temple, tandis que l’officier mettait toute sa diligence à rassembler une trentaine d’hommes avec lesquels à son tour il prenait le chemin du Temple. Sûr de lui et du renfort qu’il amenait, Simon parvint au pont-levis qui s’abaissa sans difficulté pour lui. Quelques instants plus tard, Malingre pénétrait chez Valois, dont le premier mouvement en l’apercevant fut d’appeler pour le faire saisir.
« Un instant, monseigneur, dit Simon, vous me ferez rouer ou brûler demain. Maintenant, écoutez… »
XXI
LANCELOT BIGORNE À L’ŒUVRE
Ces personnages qu’avait entrevus Simon Malingre et dont Gillonne avait pu surprendre l’entretien, c’étaient Buridan, Gautier, Bourrasque et Haudryot.
Lancelot Bigorne ayant disparu, Gautier insistait auprès de ses compagnons pour qu’on se mît aussitôt en campagne pour connaître la vérité sur Philippe, dût-il apprendre la mort de son frère. Mais sans doute Bigorne avait dit à Buridan quelques mots de son projet, car le jeune homme s’efforçait de calmer Gautier et remettait toute décision jusqu’au retour de Lancelot.
« Mais s’il ne revient pas ! grondait Gautier.
– Laissons faire Lancelot, mon cher Gautier, répondait Buridan avec douceur, c’est un fin et rusé matois et c’est de plus un ami fidèle et dévoué. Un peu de patience.
– Écoutez ! dit Guillaume Bourrasque qui assistait, ainsi que Riquet Haudryot en témoin muet à cet entretien, écoutez ! on vient chez nous… N’avez-vous pas entendu le signal annonçant l’approche d’un ami ? »
Guillaume avait ouvert la porte, avec précaution toutefois, et, reconnaissant les arrivants, s’était tourné vers l’intérieur en disant :
« J’avais bien entendu… ce sont des amis… Cornes du diable ! je crois bien que c’est Lancelot qui les conduit !…
– Lancelot ! s’exclamèrent à la fois Gautier, Buridan et Riquet, qui se précipitèrent vers la porte grande ouverte.
– Mais oui, c’est bien lui ! »
Pendant ce temps, Lancelot Bigorne, à la tête d’une dizaine de solides gaillards, était arrivé devant la porte. Se tournant alors vers son escorte, Lancelot dit, sur un ton de commandement :
« Qu’on aille m’attendre où j’ai dit… et surtout soyons sages ! »
Les hommes saluèrent et firent demi-tour.
« Un instant, fit Lancelot, paraissant se raviser ; que deux d’entre vous préviennent tous les postes, toutes les sentinelles de la cour qu’à partir de cet instant le mot de passe est changé… que nul ne sorte ou ne pénètre dans l’enceinte de la Cour des Miracles s’il ne donne le mot nouveau : d’Aulnay, Valois !… Allez et faites vivement.
– Maintenant, parle ! dit Buridan.
– Philippe ?… d’abord… dit Gautier, en même temps.
– Vivant ! » répondit laconiquement Lancelot.
Il y eut un soupir de soulagement
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