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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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n’avait été qu’un langage pour parler aux servantes et aux valets, et elle en avait honte aujourd’hui, car cet homme, et des milliers d’autres comme lui, était en train de mourir pour la défendre. Pourtant sa voix provoquait quelque animation dans sa posture contorsionnée. Dans la sombre salle de torture que son corps était devenu, il était conscient. Elle sortit son rosaire et pria, et dans sa veille silencieuse et aveugle, Angelu pria avec elle. Du moins le crut-elle.
    Par moments la pitié la submergeait, des larmes roulaient sur son visage et sa voix s’altérait, mais elle offrait sa pitié à Dieu et implorait son pardon pour ses inquiétudes égoïstes. Elle nourrissait Angelu et portait des coupes d’eau ou de vin à ses lèvres. Elle se demandait pourquoi il ne parlait pas, et s’il en était même capable – le feu avait peut-être brûlé sa gorge à vif aussi –, mais elle n’était pas là pour demander, seulement pour servir. Elle priait avec lui et pour lui, et pour eux tous, tandis que les heures passaient et les Ave la traversaient comme une chanson sacrée et sans fin, et peu à peu son horreur disparaissait, car l’horreur n’était que la complainte de ses propres sens fragiles, autant dire une blessure supplémentaire pour l’homme si torturé qui lui faisait face. Puis sa pitié disparut aussi, car avoir pitié de lui, c’était le voir moins humain qu’elle-même. Et même son chagrin se réduisit à ses braises, et un amour incandescent emplit son être ; elle se rendit compte que le Christ était entré en elle, en son âme et en son corps, avec une force au-delà de tout ce qu’elle avait expérimenté ou imaginé. L’amour du Christ se répandait en elle avec la puissance d’une révélation et elle comprit, et elle sut, qu’au travers d’un tel amour tous les péchés étaient pardonnés, même les atrocités qui l’entouraient avec une telle profusion. Elle voulut le dire à Angelu et rouvrit les yeux pour le regarder : regarder son demi-crâne et sa moitié de visage, les orbites opaques et noircies qui remuaient derrière ses cils calcinés et sous ses sourcils brûlés, les griffes noircies qui dépassaient de ses mains difformes. Angelu marchait sur son propre chemin du Golgotha. C’était lui qui avait invité le Christ à entrer dans son cœur.
    Elle dit : « Jésus vous aime. »
    Angelu redressa brusquement la tête et sa bouche se tordit pour s’ouvrir. Elle ne savait pas ce que cela signifiait, ou si elle l’avait blessé, ou s’il n’avait pas entendu ce qu’elle avait dit. Pendant un instant, elle eut peur.
    Elle répéta : « Jésus vous aime. » Puis elle dit : « Je vous aime. »
    Les lèvres d’Angelu se mirent à trembler. Sa respiration se fit trépidante. Elle posa une main sur son épaule. C’était la première fois qu’elle osait le toucher. Calmement, car, même dans ses ténèbres, sa force ne l’avait pas entièrement déserté, Angelu baissa à nouveau la tête et se mit à pleurer.
     
    PLUS TARD, ILS ENTENDIRENT la messe et elle l’aida à s’agenouiller pendant qu’ils recevaient la communion, et s’il dit « Amen », ni elle ni le chapelain ne l’entendirent. Ensuite, elle lui servit du bouillon de bœuf avec le bol en argent, et, voyant qu’il n’avait pas d’appétit, elle posa la nourriture de côté. Comme toute la salle était occupée par l’heure du repas, et pensant subitement que cela pouvait le perturber d’ignorer qui était son étrange compagne, elle lui raconta du mieux qu’elle pouvait des choses sur elle-même, sur le but de son retour ici, retrouver son fils perdu, dont elle ignorait jusqu’au nom. Angelu ne dit rien, et à ce moment elle fut certaine qu’il était absolument incapable de parler. Carla aussi retomba dans le silence, et elle se demanda si elle ne devait pas lui parler aussi de Mattias Tannhauser.
    Ce jour-là, elle avait prié pour Mattias, portant son image en son cœur, plus souvent que n’importe quelle autre. Il était allemand – un Saxon –, race dont elle n’avait aucune expérience ni aucune connaissance, mais dont la réputation était marquée par la brillance et la barbarie en portions égales. Il n’avait pas une goutte de sang noble dans les veines, et pourtant il évoluait au milieu des chevaliers de Saint-Jean, secte obsédée par de telles notions, comme s’il était né dans la pourpre. Son admiration pour les Turcs semblait

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