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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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espoir. »
    Le père Lazaro affirmait que c’était le meilleur hôpital du monde, avec des chirurgiens et des médecins à l’avenant. « Nos seigneurs les malades, disait Lazaro, reçoivent gratuitement tout ce que nous pouvons leur donner. C’est ici, dans l’Infirmerie sacrée, qu’on peut trouver le vrai cœur de la Religion. »
    L’encens entêtant, les murmures des prières, la concentration révérencieuse des moines allant de lit en lit pour laver, nourrir et panser les blessures de leurs seigneurs, donnaient à l’hôpital l’atmosphère d’une chapelle, et induisaient un sens de la tranquillité inimaginable autrement au milieu de tant de souffrances. Cela permit également à Carla de maîtriser l’horreur de sa première rencontre.
    Après le flot de blessés des jours récents, la salle était presque pleine. Même si nombre de cadavres étaient emportés de leurs lits à chaque aube, et que les blessés étaient renvoyés dès que leurs jours n’étaient plus en danger, l’espace allait vite manquer. Comme Angelu, la plupart des patients étaient de jeunes hommes de la milice maltaise ou des tercios espagnols. Peu d’entre eux demeureraient entiers. Lazaro et ses collègues avaient procédé à de nombreuses amputations et trépanations, et, du mieux qu’ils le pouvaient, avaient réparé les terrifiantes blessures faciales qui abondaient. Ceux qui étaient transpercés ou frappés d’une balle dans le ventre étaient allongés raides comme des planches et viraient lentement au gris dans l’agonie de la mort. Ceux qui étaient affligés de monstrueuses brûlures étaient ceux qui souffraient le plus. Du lointain, derrière les murs protecteurs, parvenait le grondement permanent du canon.
    À son arrivée, elle devait se laver les mains et les pieds au lavatorium, et passer des chaussons pour ne pas transporter la poussière des rues, car la propreté plaisait à Dieu. Il lui était interdit de toucher une blessure ou un vêtement quelconque. Elle pouvait servir la nourriture, du vin et de l’eau, mais ne pouvait pas laver les patients. S’ils avaient besoin de vider leur vessie ou de déféquer, elle devait en informer un des frères. Si elle remarquait un saignement nouveau, une fièvre ou une éruption de boutons, elle devait en informer un des frères. Si un homme demandait la confession, ou la sainte communion, ou semblait proche de la mort, elle devait en informer un des frères. Elle était tenue de parler d’une voix faible et douce. Elle devait, autant que cela était possible, encourager nos seigneurs à prier, non seulement pour leurs propres âmes, mais pour la paix, la victoire, le pape, la libération de Jérusalem et de la Terre sainte, le grand maître, les frères de l’ordre, les prisonniers aux mains de l’islam, et pour leurs propres parents, qu’ils soient morts ou vivants. Parce que les malades étaient les plus proches du Christ, leurs prières étaient les plus puissantes de toutes, pareilles à celles des cardinaux de Rome.
    Lazaro lui fit traverser la salle, où elle fut immédiatement consciente de tous les yeux qui se tournaient vers elle. Ceux des frères qui servaient étaient visiblement choqués. Ceux des blessés clignaient comme s’ils entrevoyaient une apparition divine au milieu d’un cauchemar. Certains des simples soldats se léchaient les babines et poussaient des soupirs. Elle se sentit rougir et ses grandes intentions chancelèrent. Quel bien pouvait-elle faire ici ? Elle était au beau milieu de plus de douleur crue qu’on ne pouvait en rassembler sous un seul et même toit. Pourtant, elle serait damnée, au moins pour elle-même, si elle battait en retraite. Elle n’était pas dénuée d’outils, se dit-elle. Elle avait la foi, et elle était forte. Elle avait beaucoup d’amour à donner. Elle avait même un minimum d’espoir. Elle se raidit et marcha bien droite. Puis Lazaro s’arrêta et la présenta au pauvre Angelu. Silencieux, aveugle, désespéré. Déformé au-delà des plus sauvages rêves de cruauté.
    Elle se rendit compte qu’Angelu allait constituer l’épreuve de sa dévotion.
     
    CARLA RESTA ASSISE avec lui toute la journée et l’homme ne proféra pas un son. À certaines de ses questions, il répondait d’un simple hochement du chef ; à d’autres il remuait doucement la tête de droite à gauche. Les questions étaient simples, car son maltais était pauvre. Même si elle avait grandi ici, cela

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