Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
Vom Netzwerk:
À l’infirmerie, des problèmes comme la jalousie n’étaient que vétilles.
    Le soir tomba et les moines allumèrent trois lampes, qui brûleraient toute la nuit pour protéger les patients des illusions, du doute et de l’erreur. Les deux frères de garde pour la nuit se déplaçaient de lit en lit avec une chandelle dans une main et une jarre dans l’autre. « Eau et vin de Dieu », disaient-ils à chaque patient. La Valette vint en visite avant que l’obscurité ne soit complète dehors. Il dit peu de chose et Carla sentit qu’il possédait peu de chaleur naturelle, pourtant sa présence fut comme une inspiration pour les blessés, qui voulurent tous se lever de leurs lits pour le saluer. Il remarqua Carla assise près d’Angelu et un de ses sourcils se leva très brièvement. Il ne dit rien à Carla et sortit bientôt dans un chœur d’acclamations.
    Après le départ de La Valette, le père Lazaro s’approcha de Carla pour lui indiquer qu’il était temps qu’elle s’en aille. Il ne lui fit aucun éloge, mais ses manières paraissaient plus chaleureuses qu’avant et elle sentit qu’elle s’était acquittée de sa tâche avec honneur. Comme Lazaro s’éloignait, elle se tourna vers Angelu.
    « Je dois partir, maintenant, dit-elle. Merci pour tout ce que vous m’avez apporté. »
    Elle se leva.
    « Reviendrez-vous, ma dame ? » dit Angelu.
    Elle le regarda. C’était la première fois qu’il parlait de la journée. Et à la manière dont il avait posé la question, elle sentit qu’il avait remis sa vie entre ses mains. Pendant un instant, elle en resta comme choquée.
    « Oui, bien sûr, finit-elle par dire. Demain, à la première heure. »
    Angelu tendit ses deux poings calcinés, comme s’il avait voulu les serrer s’il avait pu. « Dieu vous bénisse, ma dame. Et qu’il vous guide saine et sauve jusqu’à votre fils. »
    Les yeux de Carla s’embuèrent. Sa voix la déserta. Elle se détourna et s’enfuit presque vers la sortie.
     
    CARLA QUITTA LA SALLE la poitrine comprimée d’une turbulence d’émotions. Elle avait donné quelque chose d’elle-même, quelque chose plaisant à Dieu. Ce sentiment ne lui était pas familier. Mais il était merveilleux. Toute sa vie, elle n’avait fait que posséder, ou être dépossédée. Elle n’avait fait que danser comme un bouchon sur l’océan de l’existence. Ses actes de charité avaient été abstraits, des investissements dans une éternité qu’elle ne méritait pas. Elle avait adopté Amparo afin de soulager sa propre solitude. Pour avoir quelqu’un à materner. Même sa quête pour retrouver son fils était, en partie, pour apaiser la culpabilité qui rongeait son cœur. Mais aujourd’hui le Christ l’avait emplie de son amour divin, un amour pour toute la Création, un amour même pour sa propre médiocrité, car il était absolument vrai que c’était ici, au milieu de l’extrême pauvreté, qu’on trouvait plus volontiers le Christ. Elle passa entre les rangées de blessés, leur douleur se transmuait en murmure de prière, leurs gémissements réprimés par la fierté stoïque qui les liait. Plus tard, quand les barques venues de Saint-Elme ramèneraient leur lot de mutilations fraîches, il y aurait des cris sur les tables de chirurgie où Lazaro allait passer les heures d’obscurité plongé dans le sang jusqu’aux coudes.
    Sur le seuil, l’air du soir était si doux qu’elle en perdit presque ses sens, elle sentit sa tête partir, s’arrêta et ferma les yeux de peur de tomber. Le canon tonnait toujours vers le nord, plus fort ici. Comme sa gorge n’était plus envahie d’encens, elle décela dans la brise des odeurs de feu de bois et de viande et elle eut faim. Une faim comme elle n’en avait jamais connu. Une faim méritée. Quelle sensation étrange d’être si vivante au centre de tant de mort. Terrible. Il n’y avait, dans le monde entier, aucun endroit aussi tragique que celui-ci, et pourtant elle n’aurait jamais voulu être ailleurs. La vie qu’elle avait connue et la femme qu’elle avait été semblaient infiniment loin. Qu’allait-elle devenir quand tout ceci serait fini ?
    Elle sentit une main sur son bras. « Carla ? »
    Elle rouvrit les yeux sur Amparo qui la fixait. Il y avait une brillance dans ses yeux, un amour qui l’emplissait. Elle portait, dans ses cheveux, le peigne d’ivoire si magnifiquement ouvragé. Carla découvrit que ce cadeau ne

Weitere Kostenlose Bücher