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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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lui dénier sa fierté d’être accepté comme un homme par deux hommes tels qu’eux ?
    Tout en mangeant et en buvant, ils discutèrent du siège sinistre et meurtrier qui avait lieu de l’autre côté de l’eau, de la prodigieuse valeur des défenseurs et du courage suicidaire des janissaires, et du miracle qui faisait que le fort tenait encore au bout de dix-sept jours. Même les plus hardis des chevaliers de Saint-Elme, raconta Tomaso – Le Mas, Luigi Broglia, Juan de Guaras –, ne croyaient pas qu’ils pourraient survivre au-delà de trois ou quatre couchers de soleil, malgré les renforts nocturnes. Aucun homme sur place ne s’attendait à survivre, sauf, peut-être, les nageurs maltais à qui l’on avait ordonné, quand le fort tomberait, de repartir à la nage pour continuer le combat le lendemain. Par moments les yeux d’Orlandu se chargeaient de larmes, et Carla se demanda pourquoi la bravoure remuait le cœur des hommes avec une puissance sans égal.
    Comme dessert, Nicodemus servit du pain frit dans du beurre et couvert de pâte d’amandes et de sucre, et le cuisinier fut unanimement traité de génie, puis la conversation se tourna vers le futur de la campagne. À la lumière des chandelles, des cartes furent dessinées sur la table, du bout des doigts ou du couteau, et du vin renversé en guise d’encre. Des stratégies furent discutées, avec des pour et des contre, et l’on opposa la fourberie de Torghoud – que Bors avait juré de tuer du haut de sa batterie de canons – et la rage du pacha Mustapha, à la brillance de La Valette. Bors raconta quelques-unes de ses aventures durant les guerres de Charles Quint, et quelques exploits de Tannhauser quand il servait la bannière de Soliman. Et à chaque explication les yeux d’Orlandu s’agrandissaient et débordaient d’ardeur martiale. Et même si elle ne parlait pas, Carla était attristée, car c’était ainsi que les mythes de la guerre étaient nourris et replantés, par ceux-là même qui auraient dû savoir que ces mythes étaient une justification de la cruauté et de la folie.
    Mais peut-être ne le savaient-ils pas, ou ne pouvaient-ils pas l’admettre parce que leur fascination était inextinguible. La conversation dériva vers les armes, et la suprématie de la mousqueterie turque. Puis vers la faiblesse des armures turques et les mérites respectifs, au corps à corps, de la masse d’armes, de la hache, des hallebardes, des dagues et des piques, des largeurs variables des épées, de leur longueur et de leur garde, et enfin de la masse simple, que Bors trouvait très sous-estimée, alors que c’était un outil incomparable.
    Pendant tout ce temps, les deux femmes étaient comme des ombres sur le mur, et alors qu’Amparo semblait heureuse de partager la chaleur et la convivialité, Carla était submergée par l’épuisement. Elle ne pouvait en aucun cas mettre en adéquation cette célébration du combat avec la douleur entassée dans la grande salle de l’Infirmerie sacrée. Mattias ne revenait pas et personne ne savait quand il allait le faire. Elle s’excusa, essuyant un chœur de bénédictions et de remerciements, et se retira pour tomber dans un sommeil profond et immédiat.
    Elle s’éveilla en sentant une main sur son épaule, découvrant Amparo debout près du lit, une chandelle à la main. La fille était enveloppée dans une serviette et parvenait à peine à contenir son excitation.
    « Carla, dit Amparo, c’est Orlandu ! C’est vraiment Orlandu ! »
    Carla fit basculer ses jambes du matelas et se leva. Son cœur était en avance sur son esprit, parce qu’il lui avait sauté à la gorge. Elle saisit la main d’Amparo. Elle parvint à dire : « Orlandu ?
    – Tannhauser dit qu’Orlandu est ton fils. »
    Carla sentit sa tête lui tourner, et elle faillit se rasseoir. Un tremblement de désespoir lui comprima la poitrine. Elle prit une profonde respiration. Orlandu était son fils.
    Des larmes brouillaient sa vision. Elle dit : « Orlandu est mon fils.
    – N’est-ce pas merveilleux ? » dit Amparo.
    Carla passa rapidement devant elle et saisit sa cape. Puis elle la raccrocha au mur. Elle ne pouvait pas l’accueillir en chemise de nuit. Ses cheveux, pensa-t-elle. Ils étaient emmêlés de sommeil. Le garçon n’y attacherait aucune importance, bien sûr. Mais tout de même.
    Elle prit une autre grande inspiration. « Dis à Orlandu que je descendrai dans quelques

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