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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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jour muette et meurtrie sur l’humus d’une forêt. Elle jouait avec les enfants comme si elle n’était pas plus vieille qu’eux. Elle mangeait du pain et des olives avec les tercios espagnols pourtant si vicieux, en leur lisant les lignes de la main, et ils semblaient considérer son amitié comme un charme contre la mauvaise fortune. Elle avait cessé d’aller à l’église, sauf quand Carla lui demandait de se joindre à elle. Beaucoup en ville pensaient qu’elle était demeurée. Mais personne n’osait l’affronter ni lui faire du mal, ni même dire le moindre mal d’elle, car Bors avait déclaré qu’il était son champion, et il avait déjà rossé un détracteur ou deux, avec une fureur qui ne s’était arrêtée qu’au bord du meurtre. Dans un monde sens dessus dessous tel que celui-ci, Amparo était sans peur, d’une manière que personne ne pouvait même imaginer.
    Carla pensa à Ludovico.
    Presque un mois avait passé depuis que Carla avait appris son retour. Bors avait assisté à son arrivée et l’avait avertie. Puis elle avait entendu dire que Ludovico était tombé inconscient à l’hôpital, héros de la défense de Saint-Michel. Un regard sur l’horreur contenue en cet endroit avait suffi à ses compagnons, et ils l’avaient emporté, posé sur une porte, jusqu’à leur propre petite infirmerie près de l’auberge d’Italie. Carla ne l’avait pas vu alors, ni depuis. Et pourtant la présence de Ludovico s’immisçait dans son esprit. Comme dans l’esprit de beaucoup.
     
    « L’INQUISITION N’EST PAS BIENVENUE à Malte », dit Bors, qui avait étudié la question.
    Ils étaient assis à la table du réfectoire et Bors se frayait un chemin dans un plateau de tartes à la crème. D’où étaient venus les œufs et le sucre ? Lui seul le savait. Grâce à son nez pour les affaires et ses prouesses de commerçant – équivalentes de celles de Nicodemus comme cuisinier –, il était heureux et fier d’être le seul homme de l’île qui parvenait à prendre du poids pendant le siège.
    « L’Inquisition est-elle bienvenue quelque part ? » demanda Carla.
    Bors renifla. « Le mal trouve toujours son profit chez quelqu’un. Sinon pourquoi fleurirait-il ? » La cicatrice rose et brillante qui divisait ses traits tannés ajoutait du grotesque à son expression. « À Messine, l’Inquisition compte des milliers de partisans. Seulement une poignée d’officiels de l’Église, certes, mais appuyés par une armée de lèche-bottes, familiers et sangsues. Barons et voleurs, marchands et prêtres, comme ils vous le diront : tous les riches, toute la police et tous les criminels. Ils ont une main sur chaque gâteau et ils font ce qu’ils veulent. Du moins à ceux qui les laissent faire. »
    Un souvenir gratifiant le fit sourire et Carla se rappela le prêtre dans le carrosse et comment il était mort.
    « La Religion ne les aurait jamais laissés pénétrer dans Malte, mais c’était sans compter avec la sournoiserie du pape, poursuivit Bors. Il a nommé Domenico Cubelles inquisiteur général, et comme il était déjà évêque de Malte, les chevaliers ne pouvaient décemment pas lui planter une dague dans la gorge. Les chevaliers ont aussi leurs pommes pourries. Comment pourrait-il en être autrement dans une telle bande de tueurs ? Viol, sodomie, assassinat, magie noire, hérésie – la liste est sans fin –, ils ont tout vécu. Et pourquoi pas, d’ailleurs ? Mais ils ont toujours réglé leurs propres affaires. L’évêque a commis la maladresse de les affronter ; quelques dénonciations timides de chevaliers de la langue française, soupçonnés de sympathies luthériennes, mais aucune arrestation. L’Inquisition ne fonctionne que si vous avez des hommes sur le terrain, et l’évêque est une créature du palais. Mais ainsi, ils avaient mis le pied dans la porte, et six mois plus tard le pape a envoyé frère Ludovico. »
    Dans les souvenirs de Carla, Ludovico était un jeune homme brillant de culture et d’ardeur spirituelle. Il paraissait enclin à la plus grande gentillesse. Elle ne parvenait pas encore à raccorder cette image avec celle de l’homme qui inspirait une telle peur.
    « Est-il vraiment un tel monstre ? » demanda-t-elle.
    Bors marqua un temps d’arrêt pour faire avancer une autre tarte vers sa bouche, poussant quelques grognements de plaisir avant de s’essuyer les lèvres du dos de son poing.
    « Ludovico est

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