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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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la main noire du pape. Des cardinaux et des comtes sont partis au bûcher grâce à lui. » Il la considéra, comme s’il s’attendait à ce qu’elle reflète son propre avis selon lequel cardinaux et comtes n’étaient pas bons à grand-chose de plus. « Guzman, l’un des tercios ici, a servi en Calabre en 1561, lors de la campagne du grand inquisiteur Ghisleri pour exterminer les vaudois des hautes vallées. Il se souvient très bien de Ludovico. Pour accélérer le zèle du marquis local, Ludo s’est arrangé pour que son frère obtienne un chapeau rouge de cardinal, en un tournemain. Puis ils ont massacré le village de San Sisto – hommes, femmes et enfants jusqu’au dernier. Ils ont poursuivi les fuyards à travers les bois avec des chiens de guerre affamés pour l’occasion. Imaginez. La nuit, les torches, les aboiements des chiens, les hurlements. Deux mille en tout, c’est ce qu’on raconte. À La Guardia, ils ont arraché la confession de soixante-dix d’entre eux sous la torture, puis ont couvert les survivants de poix et les ont allumés en haut d’un à-pic. Ils faisaient des paris sur combien sauteraient, et dans quel ordre. À Montalto, ils ont enfermé quatre-vingt-huit croyants dans l’église de la paroisse, puis ils les ont fait sortir un par un pour leur trancher la gorge sur les marches. »
    Carla sentait son cœur pris de nausées. Elle avait aimé cet homme.
    « Et puis il y a eu le nettoyage du Piémont, où Ludovico a croisé le chemin de Mattias pour la première fois… »
    Carla ne pouvait en entendre davantage. Elle dit : « Qui étaient les vaudois ? »
    Bors haussa les épaules. « Des gens qui adorent le Christ, mais pas à la manière officielle. »
    Carla ne répliqua pas.
    « Ludovico ne souille jamais ses propres mains avec le sang des hérétiques, mais il a le bras très long. Il a des informateurs et des espions de partout, du haut en bas, des palais jusqu’aux bordels. Des familiers. Ils adorent ça, l’intrigue, la trahison. Faites qu’un homme se sente important, et il fera n’importe quoi. C’est valable pour les femmes aussi. Dites-leur que c’est pour Dieu, le pape et l’empire, que le paradis sera leur récompense, et jetez dans la balance une poignée d’or plus la perspective de quelques fripouilles cramant sur le bûcher, et très peu résistent. Et s’ils meurent de trouille en le faisant, eh bien, ce n’est que justice.
    – Pourquoi Ludovico est-il ici à risquer sa vie ?
    – Personne ne le sait. Mais puisqu’il a reçu son baptême du sang à Saint-Michel, et distribué quelques reliques qui rendent les frères stupides de béatitude – si j’avais su, j’aurais apporté quelques échardes de la Croix, moi aussi –, il a été ordonné chevalier de l’ordre.
    – Ludovico est un chevalier de Saint-Jean ?
    – Il a prêté serment au couvent dimanche dernier, dit Bors. Et ils vont le regretter, souvenez-vous bien de ce que je vous dis. Un loup en costume de lion, on pourrait dire. J’ai vu son visage la nuit où il est descendu de bateau. Ludovico est venu chasser les grosses bêtes, pas les lapins. »
    Il engouffra une autre tarte d’une seule bouchée. Son extase était si évidente qu’elle crut qu’il allait en pleurer. Mais il se contenta d’avaler la dernière, faisant ensuite claquer ses lèvres de plaisir.
    « Nous sommes le petit peuple, dit-il. Si on a de la chance, on en restera là. »
     
    LES ÉTOILES AU-DESSUS DE l’auberge d’Angleterre brillaient, innombrables. Carla aurait aimé voir dans leur désordre les archétypes et les significations que d’autres y lisaient. Que Mattias pouvait interpréter. Était-il en train de contempler ces mêmes étoiles à cet instant ? Elle aurait aimé qu’il soit là, qu’il la prenne dans ses bras. Elle écarta de telles pensées. L’auberge, bien que n’étant pas encore endommagée, n’était plus un refuge réservé uniquement à ce qu’elle imaginait être la bande de Mattias, sa famille vagabonde d’âmes rétives. Nicodemus devait dormir dans la cuisine, où il surveillait le feu, et où il devait avoir laissé une lampe pour qu’elle s’éclaire en montant l’escalier. Bors était probablement à son poste de guet face au cimetière de la porte de Kalkara, car il préférait la fraîcheur de la nuit et jurait que, tôt ou tard, Mattias surgirait de l’obscurité. Deux autres gentilshommes anglais résidaient

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