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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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légèreté, désormais elle rampait. Il aurait pu mettre tout cela sur le compte de la guerre, car beaucoup étaient ainsi affectés par elle, mais il était victime d’une maladie bien plus puissante. Il ne cessait de penser à Carla, désespérément. Son désir d’elle lui rongeait l’esprit. Même son appétit pour la prière était terni, et mince était le réconfort qu’elle apportait. La sublime performance musicale qu’elle avait accomplie pendant le mystère avait déclenché sa mélancolie présente. La musique qu’elle et son Espagnole avaient jouée sur les rochers lui manquait. Il était allé les écouter chaque nuit et leurs harmonies l’avaient transporté. Il avait lu dans la performance de Carla un poème d’amour. Si extrême, si méprisable, était sa folie que, par moments, il s’était permis d’imaginer qu’elle jouait pour lui.
    Malgré de telles absurdités, la discipline avait gardé sa passion, et sa présence, invisibles pour Carla. Invisibles de tous, sauf d’Anacleto. Ludovico n’était pas un expert dans les choses de l’amour, mais il savait que c’était le royaume ultime de l’intrigue, le plus complexe des jeux humains. Comme tout expert en un royaume, il admettait sa faiblesse dans ceux où il avait une expérience réduite. La logique et l’instinct lui assuraient tous deux qu’il ne gagnerait pas Carla tant que durerait le siège. Il devrait attendre le retour de la paix. Le poème d’amour de sa musique lui avait donné de la force, pendant un moment. La force de supporter, de combattre, de transformer le feu de son propre amour en un lit rougeoyant de braises inextinguibles, plutôt qu’en une flamme sauvage. Puis Tannhauser était revenu, et elle l’avait embrassé près du rivage, et une terrible sécheresse de rage et de douleur avait soufflé sur son cœur, car il avait compris au plus profond de lui-même qu’en fait elle jouait pour l’Allemand.
    Carla jouait encore, lui avait-on dit, mais à l’auberge d’Angleterre désormais, et toujours pour Tannhauser. Pour lui et ses compagnons criminels. Ludovico releva la tête, se redressa et se détourna du champ de bataille vide.
    « Anacleto », dit-il.
    Anacleto se retourna d’un seul coup. Dans la lumière de la lune, son visage semblait sculpté dans l’ivoire. L’association que Ludovico avait réalisée avec l’Espagnol était la plus étroite et la plus longue de sa vie. Ils avaient partagé mille campements le long des routes. Ensemble, ils avaient regardé des milliers d’hommes mourir, lors des purges des vaudois. Ici, sur les remparts de Saint-Michel, ils avaient combattu côte à côte. Leur relation durait parce qu’elle était sans chaleur perceptible. Elle était libre de tout sentiment et par conséquent libre de mensonges. Dans un monde de perfidie incessante, l’allégeance d’Anacleto était précieuse. Ludovico l’aimait. Comme un fils. Et pourtant Ludovico savait qu’il avait un vrai fils. Orlandu. Le garçon était en vie, au milieu des démons musulmans. Tannhauser avait également usurpé ce rôle. Ludovico s’exhortait à la patience. Quand viendrait son heure, il réclamerait le fils et la mère.
    « Tu as connu l’amour », dit Ludovico.
    Anacleto avait poignardé son père et étranglé sa mère. Sa sœur, Filomena, avait été pendue pour crime d’inceste. Les terres dont il était l’héritier avaient été confisquées. Avant que Ludovico ne le trouve, il avait été soumis à la torture par les fanatiques, et avait néanmoins refusé de se repentir. Anacleto acquiesça d’un mouvement de tête, avec un regard méfiant.
    « Cela t’a énormément coûté », poursuivit Ludovico.
    Anacleto le considéra pendant un bon moment. Pour Ludovico, il avait en lui autant de vérité que quiconque, et les turbulences de ses yeux l’émouvaient.
    « Ne pas l’avoir connu m’aurait coûté encore plus », dit Anacleto.
    Ludovico comprit. Il aurait souhaité que son propre courage ait été aussi grand. Il hocha la tête.
    « Filomena et moi, nous nous retrouverons, affirma Anacleto, que ce soit dans les cieux ou dans la tornade infligée aux amants. »
    Ludovico comprit aussi qu’Anacleto puisse, pour sa passion, endurer l’enfer. Il lui dit : « Tu as mon assurance que ça sera la première solution. L’Église t’a pardonné tes péchés, comme elle a tardivement pardonné ceux de Filomena, et le Christ est toute

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