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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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l’auberge. »
    Bors tendit la main et Tannhauser lui remit le fusil et les sacoches vides, puis il se tourna pour partir.
    « Mattias… »
    Tannhauser s’arrêta.
    « Frère Ludovico est de retour. »
    La main de Tannhauser saisit la poignée de sa dague.
    « J’y ai pensé aussi, dit Bors, mais le tuer ne serait pas chose facile. Frère Ludo est désormais un chevalier de justice. De la langue italienne.
    – Ludovico a rejoint la Religion ? s’étonna Tannhauser.
    – Il leur a fait la cour avec des reliques, et il a accompli sa part de massacre.
    – Je ne pensais pas que La Valette était idiot à ce point.
    – Ludovico est respecté de tous et les Italiens l’adorent. »
    Tannhauser passa sa main sur son visage. « Cet asile de fous est encore plus dément que je ne l’imaginais.
    – La fortune des armes, dit Bors en haussant les épaules. Il n’a causé aucun ennui jusqu’ici, à ce que je sais, mais ses espions fourrent leurs nez partout, alors sois sur tes gardes.
    – Mes gardes ? » dit Tannhauser.
    La notion même était une folie. Comme l’étaient tous ses efforts. Il s’était enfoncé dans la folie plus profondément qu’il avait pataugé dans le sang et il allait continuer à barboter dans les deux jusqu’à ce que l’une ou l’autre le noie. Les conséquences funestes de toutes ces dernières heures l’avaient presque brisé, et pendant un instant il se retrouva oscillant entre un état de rage trop vaste pour admettre aucune objection, et un état d’hilarité dont il pourrait bien ne jamais revenir. Puis la musique s’immisça à nouveau dans l’air de la nuit et l’instant passa.
    « Tu ressembles à un homme qui n’en a plus pour longtemps à vivre, dit Bors. Viens boire un coup de brandy avec moi. On va se saouler et parler des jours meilleurs.
    – Bors, dit Tannhauser, embrasse-moi, mon ami. »
    Tannhauser serra ses bras autour des immenses épaules comme un homme qui se noie peut les refermer sur un tronc d’arbre. L’arbre en question était si stupéfait qu’il vacilla, mais ne tomba pas. Puis Tannhauser se détourna et descendit les rues en miettes vers la crique des Galères.
     
    IL TROUVA LES FEMMES dans un nid de rochers au bord de l’eau. De plus près, le son du luth d’Amparo était délicat et clair, les notes de ses nombreuses cordes soulevant la hardiesse de la viole de Carla comme les ailes d’autant d’oiseaux-mouches. Les deux femmes semblaient perdues dans la sphère d’infinie beauté qu’elles créaient, leurs yeux fermés à ce monde, leurs visages levés vers le firmament en des moments d’extase, puis leurs mentons rentrés dans leurs épaules quand elles plongeaient dans les profondeurs de leur cœur pour en ramener des perles de vérité. Et si les plateaux de l’équilibre cosmique pouvaient être redressés un jour, si le poids de cette calamité de malheurs amassés d’un côté pouvait être contré et contraint à remonter de son nadir, c’était bien ici et maintenant, et par le pouvoir de cette invisible magie qui emplissait l’air de la nuit.
    Tannhauser trouva où s’installer pour écouter. Il n’était pas seul. Il devait bien y avoir une quarantaine de personnes rassemblées çà et là, comme l’on peut en voir au marché, attirées par un jongleur ou un bouffon. Soldats, paysans, femmes, bandes de garçons sales et filles en haillons qui se tenaient la main, ces dernières avec les visages vacants et les yeux hantés d’enfants témoins de tout ce que la perdition permet. Certains avaient apporté des chandelles ou des lampes qui jetaient de petits arcs de lumière vite perdus dans ce terrain inégal. Tous restaient à distance. Ils étaient assis, debout ou accroupis sans remuer le moins du monde. Certains portaient la brillance des larmes qui descendaient sur leurs joues. D’autres étaient simplement curieux. D’autres encore semblaient médusés ou ahuris, comme si le gouffre séparant la beauté de cette musique et la catastrophe autour d’eux était trop large pour qu’un pont puisse jamais l’enjamber.
    Les musiciennes elles-mêmes étaient inconscientes de tout sauf du divin. Le royaume qu’elles exploraient s’étendait bien loin de celui-ci. Et qu’elles en dessinent la carte était le plus noble de leurs cadeaux, car le royaume d’ici était si sombre, si enserré dans la douleur et la mort, et échoué si loin de tous ceux imaginables, que

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