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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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reconnaîtraient facilement.
    « C’est très étrange, dit-il, d’être l’homme du diable, quand tous les autres autour sont pour Dieu.
    – Je te l’ai dit cent fois, répliqua Bors, mais tu ne m’écoutes jamais : la philosophie est mauvaise pour ta santé. Mais cette discussion sur les gâteaux m’a ouvert l’appétit. Allons prendre un petit déjeuner… »
    En passant devant le bastion d’Allemagne, ils croisèrent deux frères scandinaves du dernier prieuré balte à avoir survécu au luthéranisme. Bors les salua chaleureusement de la main. Aucun des deux ne répondit.
    « Ces Suédois, dit-il, ils sont timides. Eux, et le reste de la langue allemande, se sentent humiliés de n’avoir pas encore participé aux choses sérieuses. Une fieffée bande, ceux-là : toutes sortes de Polonais, un Norvégien, deux Danois, et un drôle de type de Moscovie qui affirme connaître Ivan le Terrible. Mon Dieu, tu imagines ce qu’il a dû faire, celui-là, pour mériter ce surnom – et nous qui nous prenons pour des types sur qui l’on peut compter. Quand les hommes du Nord vont y aller, ça va être quelque chose, crois-moi.
    – Je serai ravi de voir ça, dit Tannhauser, mais ne nous entraîne pas avec eux. »
    Alors qu’ils descendaient l’escalier des remparts, les pierres se mirent à vibrer autour d’eux sous l’effet d’un énorme tir de barrage qui éclata sur les collines en face. Ils émergèrent à la lumière juste à temps pour voir une volée de points noirs traverser le ciel avant de s’abattre sur L’Isola, où leurs impacts firent jaillir des nuées d’éclats. Le village de pêcheurs de L’Isola n’existait plus. Pas une maison n’était intacte et peu demeuraient debout. Les moulins à vent étaient démolis depuis longtemps et leurs voiles trouées pendaient tristement. Le fort Saint-Michel ressemblait à celui de Saint-Elme dans ses derniers jours. Les membres de la garnison qui y étaient postés n’empruntaient plus que très rarement le pont de bateaux les reliant au Borgo, comme s’ils craignaient que, après l’avoir fait, la perspective de devoir y retourner soit au-dessus de leurs forces. À la place, ils survivaient dans les ravages, avec les mouches, les cadavres et les rats. À ce que Tannhauser en savait, Ludovico était parmi eux. Le bombardement de ce matin était dense et présageait le premier assaut majeur depuis plus d’une semaine.
    « Espérons qu’ils ne vont s’attaquer qu’à Saint-Michel, dit Bors.
    – Tu as perdu ton appétit pour la bagarre ? demanda Tannhauser.
    – Je t’accorde qu’il diminue quand je n’ai ni dormi ni mangé. »
    Juste avant d’atteindre l’auberge, ils croisèrent un esclave, un nœud de corde dans la bouche, poussé par une petite troupe, à coups de pointe d’épée dans les cicatrices qui marquaient son dos. Le chemin menant au gibet n’avait jamais changé, semblait-il, et Tannhauser fut saisi par la conviction que rien d’autre ne changerait jamais non plus. Il ne quitterait jamais cette île. Aucun d’entre eux non plus. Et pas dans le sens morbide qu’ils allaient tous périr ici, mais comme s’ils étaient piégés dans une boucle infinie du temps où ni la bataille ni sa propre participation au combat ne finirait jamais.
    « Tu savais, dit Bors, qu’ils se servent toujours du même bâillon de corde chaque jour, qu’ils le prennent sur le cadavre avant de le balancer et qu’ils le collent dans la bouche du suivant ?
    – Cela fait combien de jours ? »
    Bors héla l’Espagnol escortant le prisonnier. « Hé, Guzman, c’est le numéro combien ? Quatre-vingt-neuf ou quatre- vingt-dix ?
    – Quatre-vingt-dix, répondit Guzman.
    – Mes remerciements, dit Bors avant de se tourner vers Tannhauser. Ils gravent les comptes sur le mur de la prison, par cinq. Pendant un moment, il y avait une loterie sur le compte final, mais ils ont arrêté à cinquante. Dommage, j’étais encore dans la course, et de loin.
    – Qui a emporté la bourse des paris sur Saint-Elme ?
    – Tu as le gagnant devant toi, dit fièrement Bors. À trente et un jour, vous avez dépassé mes prédictions d’un cheveu, mais c’était moi le plus près.
    – Quatre-vingt-dix jours, dit Tannhauser. Parfois je n’arrive même plus à me rappeler pourquoi nous sommes venus ici.
    – Dans mes souvenirs, cela avait à voir avec tes femmes.
    – Oui, les femmes, soupira-t-il. Elles

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