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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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était vraiment un homme fortuné. Après tout, il était entouré de beauté enchanteresse.

LUNDI 20 AOÛT 1565
    Les hauteurs de Corradino
    ORLANDU RAMASSA SES pois chiches et son pain plat et courut jusqu’à la crête de la colline pour regarder la bataille. Il n’était pas le seul à avoir cette habitude, car il était impossible de résister à ce spectacle, et il se tenait donc au milieu d’un groupe d’autres valets d’écurie. Le  sanjak Cheder, l’un des plus célèbres généraux de Soliman, avait mené huit mille janissaires en vagues incessantes à l’assaut de la forteresse Saint-Michel, et, quand Orlandu arriva pour regarder, les remparts affleuraient encore des couleurs turques. Il y avait force coups de feu, beaucoup de fumée, et, entre les volutes et les soieries, il aperçut les éclats étincelants du soleil sur les armures chrétiennes. La valeur des chevaliers et de ses propres frères maltais lui faisait monter les larmes aux yeux. Et pourtant il était aussi ému par la détermination des janissaires. Tannhauser avait été un janissaire. Et maintenant Tannhauser se tenait quelque part sur ces fortifications chrétiennes.
    Chaque cavalier spahi avait au moins deux montures de rechange. Suivant la tradition de Gengis Khan, Abbas en avait cinq. Orlandu n’avait pas le droit d’approcher ces derniers, car c’étaient les plus beaux chevaux de toute l’armée ; mais il s’occupait de ceux des rangs inférieurs, et à ses yeux ce travail était un plaisir. Comparé au carénage des galères, c’était du divertissement. On lui avait montré récemment comment nettoyer et soigner les sabots des chevaux, et il se croyait désormais habile dans tous les aspects de son service. La cavalerie n’avait encore jamais vraiment joué aucun rôle, et il était content, car il savait à quoi servaient les lances. Les bêtes souffriraient aussi horriblement que les hommes. Il aurait aimé que Tannhauser soit ici. Avant de soulager ses intestins, il avait sorti la grosse bague d’or de son cul – c’était une affaire plus simple qu’il ne l’avait imaginé –, il l’avait nettoyée et glissée à son pouce, et Tannhauser lui avait semblé tout proche.
    Les Turcs, avait-il découvert, étaient des gens bien, presque aussi braves que les chevaliers eux-mêmes. Abbas rayonnait de majesté. Les soldats anatoliens dont il soignait les montures lui apportaient des gâteaux aux amandes s’il avait fait du bon travail. Il y avait bien quelques coups de pied et des calottes occasionnelles, mais rien qui approche la violence ordinaire des docks. Un autre valet, un Rumélien plus âgé que lui, avait essayé un jour de lui prendre ses gâteaux, et Orlandu lui avait presque ouvert le crâne avec un fer à cheval. Il n’avait plus jamais été ennuyé ensuite, et il avait même été gratifié d’un clin d’œil du valet d’écurie en chef, qui était serbe. Il entendait prononcer le mot devshirmé , et il se demandait ce que cela signifiait. Comme Tannhauser le lui avait recommandé, il avait adopté un comportement viril, et il était fier de ses manières. Il se joignait aux musulmans pour leurs prières, et imitait leurs différentes postures. Il commençait même à éprouver du réconfort à l’appel du muezzin. La nuit, il priait Jésus et Jean le Baptiste, et les suppliait de ne pas le damner comme infidèle. Étrangement pourtant, au moment de la prière, il ne se sentait aucunement malhonnête, dans quelque religion que ce soit.
    Sa nouvelle existence, donc, était tolérable et en la vivant il sentait de plus en plus qu’il marchait dans les pas de son maître. Il était en train de devenir un « homme du monde ». La pensée des rivages d’Istanbul l’excitait désormais plus qu’elle ne l’effrayait. S’il avait mal ou du chagrin, c’était en regardant les derniers massacres en bas, là-bas – trois jours et trois nuits maintenant, avec de rares et trop brèves pauses. Les autres valets, comme Orlandu, observaient le carnage avec des sentiments mitigés. Aucun n’était d’ethnie turque. Albanais, Thraces, Bulgares, Hongrois et Serbes. Tous nourrissaient quelque haine pour le Turc au fond de leur cœur, et espéraient que la Religion gagne, mais tous, comme lui, n’en disaient jamais rien. Un Serbe pointa l’index vers une grande bannière sur laquelle une main rouge était peinte. La bannière escaladait une échelle jetée contre

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