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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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rênes de Buraq à Bors et s’approcha du seuil pour regarder par-dessus les têtes de la populace.
    Au milieu de la salle, une crème de fille, svelte et osseuse, tournait comme un derviche dans une robe de voyage vert forêt, les bras étendus comme des ailes, au milieu d’un fer à cheval de clients bagarreurs assis et debout, qui hurlaient des suggestions obscènes en argot sicilien en lui jetant à la tête des morceaux de fromage, de pain et de cire de chandelle. La fille était manifestement en état de démence mais, bombardée comme elle l’était d’obscénités et de débris, on ne pouvait pas vraiment l’en blâmer. Pour aggraver les choses, et comme pour provoquer ses tourmenteurs dans leurs fantasmes primitifs, elle chantait son propre nom d’une voix flûtée tout en tournoyant.
    « Tannhauser ! Tannhauser ! Tannhauser ! »
    Tannhauser soupira. Il arrangea son épée pour qu’elle pende d’une façon plus imposante et pénétra dans la taverne avec l’apparence parfaite de savoir exactement quoi faire.
    Les rustres faisaient un tel vacarme que très peu remarquèrent son entrée, ce qui l’ulcéra encore plus. Comme un type courtaud et nanti d’un cou de taureau assis sur un banc devant lui se penchait en arrière, le bras arqué pour lancer une saleté quelconque sur la fille, Tannhauser le saisit par la nuque et lui écrasa la figure sur la table avec un tel excès de force que l’autre extrémité de la table posée sur son tréteau se souleva, projetant une douche de bière sur les hommes assis.
    « Retournez à vos bières, espèces de porcs », rugit-il.
    Sur cette gratification, le silence retomba dans la salle. La fille s’arrêta à mi-tour et le regarda sans la moindre trace d’étourdissement. Du mieux qu’il pouvait voir dans la pénombre régnante, elle avait un œil brun et un gris ; signe certain d’un tempérament déséquilibré, mais il était intrigué car ces yeux étaient parfaitement assortis à son esprit, et ce malgré la cruauté à laquelle elle avait été soumise. Même si son visage était quelque peu de guingois, qu’elle était beaucoup trop mince et qu’il semblait qu’elle ait taillé ses cheveux elle-même sans l’aide d’un miroir, il ne put s’empêcher d’imaginer à quoi cela ressemblerait de lui faire l’amour. La robe verte ne révélait pas grand-chose, mais un coup d’œil cultivé suggérait des seins magnifiques. À sa grande surprise, il sentit un rapide et plaisant durcissement dans ses culottes de cuir.
    « Tannhauser », dit la fille, d’une voix qui, à son oreille, parut s’entourer de musique. Ses yeux étaient fixés sur sa poitrine plutôt que son visage, mais elle avait plein droit d’être à fleur de peau.
    « À votre service, signorina  », répliqua-t-il avec une courbette et un moulinet du bras.
    Ses yeux dansèrent au-delà de lui et il se retourna pour voir Cou de taureau récupérer suffisamment de ses moyens pour se lever de son banc, vacillant quelque peu et levant deux poings serrés. Avant que son regard flou ne puisse localiser son adversaire, Bors lui tomba dessus par-derrière avec une délectation menaçante. La fille ne sembla pas perturbée par la brutalité des événements qui s’ensuivirent, comme si les spectacles violents dans des cadres médiocres n’étaient absolument pas au-delà de son monde.
    « Tu parles français ? » demanda-t-elle dans cette langue.
    Tannhauser toussa et redressa les épaules. « Mais bien sûr », dit-il dans cette même langue. Avec ce qu’il considérait comme une maîtrise totale du français, il demanda son nom à la fille.
    « Amparo », répondit-elle.
    Adorable, pensa Tannhauser. Il lui désigna le sanctuaire de son alcôve, assez fier de son décor et de ses meubles exotiques, et dit : « Mademoiselle Amparo, s’il vous plaît, viens. Allons nous asseoir. »
    Amparo hocha la tête, les yeux toujours fixés sur sa poitrine, et répliqua par un torrent de mots. Tannhauser se rendit compte qu’il ne les comprenait pas. Ou plutôt en reconnaissait-il un sur cinq, tandis que les autres dévalaient en trombe et lui embrouillaient l’esprit. Il avait grandi en parlant allemand dans sa famille, et à douze ans, à l’école des janissaires, une discipline draconienne l’avait forcé à maîtriser des langages et des écritures d’une étrangeté absolue. Il avait, par la suite, appris l’italien avec une aisance relative.

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