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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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cabinets. Se hasarde dans une pièce rouge aux murs tapissés d’une bibliothèque. Alangui dans un fauteuil, un livre à la main, Charles se lève, va vers elle :
    — Blanche ! Je vous ai cherchée partout. J’ai fini par croire que vous étiez partie… sans même me dire au revoir. Comme vous avez embelli. Je vous ai observée pendant la lecture d’ Alexandre  : vous sembliez en extase.
    — J’étais transportée.
    — Regardez, j’ai trouvé ici le huitième livre de Quinte-Curce où Racine a puisé les éléments de son intrigue.
    — Mais, c’est en latin…
    — Vous ne le savez pas ?
    — Seulement quelques bribes…
    — Permettez que je vous traduise ce passage. Mon père a exigé que je sois formé par un jésuite qui m’a enseigné les langues anciennes, se vante Charles.
    Blanche l’écoute, bouche bée. La voix de Charles est posée, chantante. Il prend la main de la jeune fille, la tient serrée dans la sienne, lui sourit, l’attire à lui, la presse contre son épaule :
    — Appelle-moi Charles. Ma mère a voulu ajouter Paris à mon prénom car je suis né à l’Hôtel de Ville, pendant le siège. J’incarnais la libération de la ville… Paris libéré : c’est moi, rit-il en montrant ses dents blanches.
    Blanche sent son parfum poivré ; ses lèvres sont si près, des lèvres de femme, roses et charnues. Elle ne résiste pas à son baiser. Premier baiser, langue de chat. Impression familière et inconnue à la fois. Charles la relie à quelque chose de familial, d’ancien, comme si elle accédait, à travers lui, au monde de son grand-père, à celui de sa mère qui se voulait Précieuse. Il l’intimide. Il est le fils d’un des hommes de lettres les plus spirituels de Paris. Sa mère, amazone de la Fronde, descend d’une des plus illustres, des plus extravagantes familles de la noblesse. Et pourtant, il est simple, sensuel, il a pour elle l’ardeur d’un Cid ou d’un Cinna, ces héros qu’elle a souvent imaginés, traînant tous les cœurs après eux.
    — Tu es une merveille, lui dit-il.
    Personne ne lui a jamais parlé ainsi.
    — Il faut que je retrouve Ninon, elle doit s’inquiéter.
    — Reste un peu, Ninon ne m’en voudra pas. Bien au contraire…
    Blanche se rembrunit un instant.
    — J’ai beaucoup d’affection pour Notre-Dame des Amours, ajoute Charles qui perçoit sa gêne. Tu es pure, si jolie… Je t’enverrai bientôt un poulet. Va, cours, vole et n’oublie pas que je t’aime.
    Devant un buffet chargé de fruits, Ninon s’impatiente.
    — Ma chérie, tu es tout échevelée. Rentrons, il n’est pas convenable qu’une jeune fille de ton âge s’attarde dans ce genre d’endroit.
     
    La neige tombe à gros flocons. Les roues du carrosse patinent dans la bouillasse. Blanche souffle sur ses paumes. Ninon s’étonne de son silence :
    — Où avais-tu disparu ?
    — Je me suis perdue dans les dédales de l’hôtel.
    — Ton nez bouge : tu ne sais pas mentir, ma puce. Tu peux tout me dire, je ne te blâmerai pas.
    — Charles de Longueville m’a embrassée dans le cabinet rouge. Je crois que je suis amoureuse. Il va m’écrire.
    — Quel beau parti ! s’exalte la marraine. Il a tout pour lui ! Si seulement tu pouvais l’épouser.
    — L’épouser ? Jamais ! Je ne veux pas me marier, je veux être comédienne.
    — L’un n’empêche pas l’autre. Ta mère avait d’autres ambitions pour toi. Elle n’aurait guère aimé te voir t’exhiber sur une scène.
    — Qu’en sais-tu ? Maman écrivait. N’est-ce pas une autre manière d’être une artiste, une femme libre ?
    — Pour être libre, il faut en avoir les moyens. Permets-moi de te donner quelques conseils. Charles est un conquérant : laisse-le te faire la cour. Ne réponds pas trop vite à ses ardeurs. Préserve-toi, fais-toi rare, joue les forteresses : il te désirera d’autant plus. S’il demande ta main, dis-toi que l’occasion est inespérée.
    — N’essaie pas de me marier, Ninon, toi qui as toujours refusé de signer un contrat. J’ai avoué à monsieur Racine que je voulais jouer la tragédie, il m’a conseillé de m’adresser à Molière.
    — J’aime beaucoup Jean-Baptiste ; un beau garçon, très exigeant, parfois soupe au lait. On ne s’improvise pas comédienne et ce n’est pas ainsi que tu trouveras un mari digne de ce nom.
    — S’il te plaît, fais-moi confiance, insiste Blanche.
    — Nous irons voir Dom Juan ; nous en

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