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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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profiterons pour saluer Jean-Baptiste, soupire Ninon.
    Prostituée à seize ans, une ribambelle d’amants, la courtisane veut épargner à sa filleule les mille flatteries, petites couillonneries dont elle a usé pour garder ses payeurs. Combien de fois lui a-t-il fallu surmonter son dégoût, simuler le plaisir, accepter d’initier les fils de ses favoris ? Il y a cinq ans, Condé a souhaité qu’elle déniaise son fils, Henri-Jules, dix-huit ans. Une gageure : le godelureau préférait les bellâtres. Sur la banquette rouge, Ninon se frotte les mains dans son manchon d’hermine. Comment convaincre la duchesse de Longueville que Blanche serait une bonne épouse pour Charles ? Condé l’appuiera, Villarceaux jouera de son charme auprès du roi… La beauté, la culture de sa protégée l’emporteront, peut-être.
    Rue des Tournelles, accroupie devant un feu de bois, Blanche remue les braises avec nervosité :
    — Une chose est sûre, je ne retournerai pas à l’hôtel d’Albret. Pourquoi madame de Bouillon s’est-elle acharnée à nuire à maman ? Je veux tout savoir.
    Ninon se dévêt. Il est tard, elle n’a pas envie de se lancer dans de grandes explications :
    — Elle était jalouse de ta mère. La jalousie est l’apanage des faibles. Nous en reparlerons. Monte te coucher et fais de beaux rêves.
    — Tu m’en diras plus, tu me le promets ? Un jour, je me vengerai de ces oiseaux de malheur, déclare Blanche en attrapant une pomme.
    — La vengeance est une perte de temps. Occupe-toi de toi, tu iras loin…
     
    Cinq jours plus tard , Ninon et Blanche traversent les jardins de l’ancien palais du cardinal Mazarin où niche le théâtre du Palais-Royal. Des loges capitonnées protégées par des grilles de bois, des balcons de velours, une scène rehaussée de sculptures, Blanche a l’impression de se trouver dans une boîte magique. En 1661, la réfection du théâtre a coûté cinquante-cinq livres trois sols à la troupe de Molière. Les spectateurs sont partout : debout, au parterre, tassés les uns contre les autres, sur scène ou, pour les privilégiés, à l’œil du prince. Des éventails s’agitent, des rires fusent. On trépigne, on siffle, on mange, on fume la pipe.
    — Après l’interdiction de Tartuffe, Jean-Baptiste a décidé d’aller plus loin dans son combat contre les dévots, se réjouit Ninon. Dom Juan fait l’apologie du libertinage. Il prend des risques. Je l’ai encouragé.
    Un couple se glisse dans leur loge. Une jeune femme, « belle comme le jour » écrira Saint-Simon, gracieuse, bien proportionnée, longs cheveux blonds tombant en grappes mousseuses, yeux d’azur, nez aquilin qu’adoucit un ovale en cœur, petite bouche vermeille, sourire charmeur, s’installe près de Blanche. Elle porte une robe de taffetas bleu dont le décolleté laisse entrevoir des seins ronds et pleins. À ses côtés, un homme à haute perruque brune, l’air goguenard, joues couperosées, yeux de renard. Le marquis de Montespan lorgne le parterre de ses jumelles dorées.
    — Quel plaisir de vous revoir, Athénaïs, s’extasie Ninon. Comment vous portez-vous, Louis-Henri ?
    — Fort bien ! Nous sommes de toutes les fêtes. Ma femme plaît un peu trop. Elle passe sa vie avec des diables, marmonne le Montespan.
    — Mes diables sont de meilleure humeur que votre ange, rétorque Athénaïs. Je n’ai que faire de ces freluquets qui me jettent leur mouchoir !
    — Je vous présente ma filleule, Blanche de La Motte. Elle rêve d’être comédienne. Peut-être avez-vous connu sa mère, Émilie, qui n’est, hélas plus de ce monde ?
    — Comment ne pas se souvenir d’elle ? Ainsi vous souhaitez brûler les planches. Nous sommes tous des acteurs, n’est-ce pas ? s’épanouit Athénaïs. Ce Molière, quel talent ! J’aime les hommes libres, vaillants et francs. Au diable les dévotes, comme cette peste de Plessis-Guénégaud ! Figurez-vous, qu’il y a huit jours, chez les Condé, ce blanc-bec de Charles de Longueville a osé me faire la cour. Il a dix-sept ans : les jeunots, très peu pour moi ! L’œil torve, la Plessis-Guénégaud a brandi sa canne, m’a menacée de finir en enfer. « L’enfer, c’est vous », lui ai-je répondu.
    Athénaïs a vingt-cinq ans, onze ans de plus que Blanche qui éprouve aussitôt de la sympathie pour cette jeune femme directe et spirituelle. Que Charles ait pu la séduire avant leur rencontre suscite chez elle une

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