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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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esquives. Blanche prolonge les répliques sirupeuses de sa bergère : Tyrène vaut beaucoup, et languit pour tes charmes. D’où vient que sans pitié tu vois couler ses larmes . Jean-Baptiste accentue le comique de son duo avec La Grange, dans le rôle d’Acante, son amant. Il faut éviter l’ennui à tout prix. Dans la salle voisine, les Grands Comédiens de l’hôtel de Bourgogne dédaignent ces « amateurs ». Les troupes ne se mélangent pas. Chacune ses communs, chacune son genre.
    Aux pauses, Blanche tente de converser avec Athénaïs. Elle n’est jamais seule. Langue pendante, les courtisans gobent ses persiflages. Impertinente et hautaine un instant, douce et mutine, un autre, elle charme la reine, imite les mimiques compassées de Monsieur, la voix nasillarde de Madame, les manières poudrées des mignons.
    Un matin frisquet, Blanche se rend dans ses appartements. Des moutons et des singes y gambadent joyeusement. Le Brun vient de peindre le plafond où s’alanguit une Vénus bien en chair entourée d’angelots. Devant un grand feu, une chambrière coiffe la Montespan. Sans fard ni accoutrement, la marquise est fraîche : un teint de lait, des yeux bleu ciel, presque angélique. Elle s’étire avec volupté :
    — Ma chère, quel tourbillon ! Je suis grisée. À la réflexion, ne trouves-tu pas que les tripes d’Aglaé ont droit à la trêve des confiseurs ? Comment se passent les répétitions ?
    — Fort bien. Malgré l’article de La Gazette qui m’a causé beaucoup de tort, je suis toujours de la troupe. J’aurais tout de même aimé savoir qui est responsable de cette malveillance.
    — Ne cherche pas : c’est Aglaé. Que tu divertisses le roi lui donne de l’urticaire. Sa mère est folle de rage que tu aies été introduite à la Cour. Peut-être craint-elle que tu ne révèles des secrets dérangeants ? Un jour, il faudra que tu venges Émilie, ma chérie. Tu n’es pas mon amie pour rien.
    Blanche fronce le front :
    — Ma nature ne me porte pas à la rancune.
    — La reine aimerait que tu nous suives à Versailles pour les bals du Carnaval. Tu es contente ?
    — Ravie !
     
    Le 20 décembre, la représentation de Mélicerte est très attendue. Les pieds dans une fine couche de neige, les comédiens s’acheminent vers la salle de spectacle réchauffée par cinq grandes cheminées. Sur l’estrade éclairée de bougeoirs, des ifs et des orangers en pots suggèrent un jardin frais. Dans une robe bleue à volants, les cheveux lâchés, Blanche-Daphné joue la mijaurée, se refusant par mille reculades et virevoltes à Arcante. Au premier rang, le roi et sa clique battent la cadence. Baron-Myrtil fait sensation. Lorsque le jeune comédien s’adresse à un moineau qu’il appelle « innocente petite bête », le roi applaudit de ses gants rouges, Monsieur se délecte, Madame excite Guiche. Flatté par ces jeux de l’amour et du hasard, le roi félicite Molière et sa troupe. Il baise la main de Blanche dont le parfum de femme fait palpiter ses narines.
     
    Entre Noël et les Rois, les spectacles des deux troupes rivales sont à peine interrompus, le 2 janvier 1667, par la naissance de Marie-Thérèse de France. Des trois premiers enfants royaux, seul le Dauphin, âgé de cinq ans, a survécu.
    La veille du retour de la troupe à Paris, la Cour s’impatiente de découvrir Le Sicilien ou l’Amour peintre , couronnement des festivités. Molière a conçu à la hâte cette comédie ponctuée de chants, de musique et de ballets où Blanche figurera parmi les esclaves. On est à Messine. Nuit noire. Un Sicilien jaloux veut épouser la jeune esclave grecque qu’il a affranchie, mais l’amour rôde et un beau gentilhomme français rêve de l’enlever… Molière apparaît triste et gris. Aurait-il perdu sa faconde ? Lorsqu’il clame : Le ciel est habillé ce soir en Scaramouche, chacun comprend que l’acteur s’est vêtu de noir. Le roi bâille, on tousse, on s’indigne. Après des applaudissements polis, Jean-Baptiste se retire, s’effondre sur une chaise. Blanche se précipite.
    — Ma vie est un naufrage, confie-t-il.
    — Vous êtes béni des dieux. Ne vous découragez pas. Tout ce que votre main touche devient merveilleux.
    — Tu es gentille. Les forces m’abandonnent. J’ai flatté le roi, j’ai amusé la Cour avec mille et une singeries, je me suis fourvoyé. J’ai renié ce que je dénonce dans mes Précieuses ou dans Le Misanthrope. Avais-je

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