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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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j’ai besoin d’en savoir plus. Dites-moi ce que vous souhaitez. Un malaise, une fièvre ? Une agonie ? Selon le cas, je peux répandre une poudre d’arsenic sur la doublure d’une robe ou de gants. Les effets dépassent de loin les violentes démangeaisons, croyez-moi. À moins que vous ne préfériez une potion insipide mais capable de déclencher des quintes de toux terribles, suivies de nausées, de vomissements sanglants.
    Athénaïs réfléchit un instant. Les narines de son petit nez retroussé palpitent :
    — Je pencherais plutôt pour une mixture susceptible de débander les boyaux.
    — Sans aller jusqu’au trépas, n’est-ce pas, madame ? Ce serait un péché mortel, s’indigne Blanche.
    — Ne craignez rien, belle enfant, la rassure la Voisin. Je suis le bras armé de Dieu, l’instrument de sa vengeance. Je me permets seulement d’infliger une pénitence à la brebis égarée pour qu’elle retrouve le droit chemin.
    Catherine Monvoisin saisit une fiole, remplit une bassine d’un liquide rougeâtre, y ajoute des herbes et des poudres contenues dans des flacons alignés sur l’étagère d’une crédence. Elle place la mixture sur un feu ; de gros bouillons ne tardent pas à l’agiter. Elle touille, incante une formule magique : «  Otos, anistra, baï, agius, agia, ischiros. » Munie d’une grande cuillère, elle verse le mélange encore brûlant dans un flacon qu’elle ferme avant de le confier à Athénaïs.
    — Prenez garde à le saisir gantée, madame, et à suivre scrupuleusement mon ordonnance. Versez vous-même quelques gouttes de ce liquide dans du vin rouge avant deux mois. Après quoi, son efficacité aura disparu. Deux gouttes entraînent des maux d’estomac désagréables, trois, des coliques douloureuses, quatre, des évanouissements. C’est à vous d’estimer la correction que mérite votre brebis galeuse.
    Le ventre noué, Blanche pince la cuisse d’Athénaïs. La Montespan fait claquer un baiser sur sa joue. Les bûches crépitent dans la cheminée éclairant un four dans un recoin.
    — Que faites-vous cuire ici ? s’étonne Blanche. Cette pièce n’a rien d’une cuisine…
    — De jolis petits pâtés, mademoiselle, jette la faiseuse d’ange qui, au vrai, y fait brûler des fœtus.
    Pressée de rentrer, Athénaïs sort une bourse de ses jupes, la plaque dans la paume de la Voisin, remet sa voilette. L’empoisonneuse la retient dans l’embrasure de la porte :
    — Revenez me voir quand vous aurez besoin de mes services. Je peux aussi vous préparer des philtres d’amour qui font le bonheur de ces dames. Permettez-moi de vous recommander mon ami, le père Mariette. Il officie à la paroisse de Saint-Séverin et y pratique avec succès le culte de Satan…
    Athénaïs hoche la tête. La Voisin marmonne :
    — Votre jeune amie vous aime, madame, faites-lui confiance. Si vous décidez de me commander une messe, elle y sera comme un enfant de chœur.
    Dans la voiture qui les ramène aux Tuileries, n’y tenant plus, Blanche explose :
    — Pourquoi recourir à ce genre de mixture ? C’est très dangereux.
    — À la lumière de ce que la Voisin m’a révélé, je n’avais pas d’autre choix. Une femme me veut du mal, je réagis, déclare Athénaïs, malicieuse.
    La calèche cahotante emprunte le Pont-Neuf pour traverser sur les eaux troubles de la Seine. Blanche s’agrippe à la portière :
    — Il suffirait d’une erreur pour que les effets soient terribles.
    — Je ne suis pas aveugle. Quand on a affaire à une hyène comme Aglaé, les grands moyens s’imposent. Toi qui as tant de griefs contre les Bouillon, tu ne me contrediras pas, j’en suis certaine.
    Perplexe, Blanche se gratte le lobe de l’oreille gauche.
     
    Le lendemain, alors qu’on sert des canards à col vert et des artichauts, les mets préférés de Louis, Athénaïs se lève de table, se dirige vers une crédence où sont alignés les verres de service. Blanche la suit des yeux. La marquise sort discrètement de sa poche une fiole en argent, s’apprête à verser quelques gouttes dans du vin. Blanche se mord les lèvres. La Bouillon plaisante avec Guiche. Aux côtés de Louise, le roi se tourne vers Athénaïs, l’interpelle d’une voix suave :
    — Madame de Montespan, laissez faire nos serviteurs. Venez près de nous. L’air est humide, ce soir. Je ne veux pas que vous attrapiez mal.
    Athénaïs regagne sa chaise. Louis lui tend une feuille d’artichaut,

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