La Revanche de Blanche
Louise.
— Absolument, et dans huit jours. Mon amie, je crains que, dans votre état, il ne soit pas raisonnable que vous nous accompagniez. Tournez manège ! Tournez gentils chevaux de bois, chantonne Louis.
Louise pose sa main sur son ventre, essuie une larme qui vient de perler. Enceinte de trois mois, après la mort de ses deux fils l’année dernière, ne lui reste que Marie Anne, la petite Mlle de Blois âgée d’un an que le roi vient de légitimer.
Flattée que Louis l’ait choisie pour le suivre dans ses pérégrinations, Blanche espère croiser Charles sur un champ de bataille. Le cœur lourd de Louise la touche au plus profond. Elle s’assied près d’elle sur un repose-pieds. La favorite égrène un chapelet entre ses doigts :
— Le roi m’a élevée au rang de duchesse ; il m’a donné les terres de Vaujours en Touraine ; il a reconnu ma fille. Pourquoi ne me convie-t-il pas dans les Flandres ? Être grosse n’est pas une maladie.
Blanche enroule autour de ses doigts des boucles de cheveux de Louise :
— Ne vous attristez pas. Il vous protège ; vous portez son enfant.
Au bout de l’allée du roi, la calèche royale disparaît dans les bois. À son bord, Athénaïs.
En fin de journée, échevelée, les joues en feu par le grand air, la Montespan s’invite dans la chambre de Blanche :
— Nous avons couru le cerf ; il n’y a pas de si bon tireur que le roi. Je suis ennuyée que Louise ne vienne pas avec nous. Sans elle, Louis résistera-t-il à la tentation ? Afin de me protéger du danger, j’ai avoué à mon mari que je soupçonnais le roi de m’aimer. J’ai insisté pour qu’il m’emmène dans ses terres en Guyenne. Il n’a rien voulu entendre. Ni la colère ni les flatteries ne l’ont fait changer d’avis. Il ne m’a parlé que d’argent et m’a traînée chez des notaires pour y contracter un emprunt de vingt mille livres.
— Céderais-tu au roi s’il se montrait pressant ? se hasarde Blanche.
— J’ai trop d’amitié pour Louise.
En mai, tout resplendit, tout est permis. Blanche a envoyé un billet à Ninon pour lui dire qu’elle partait dans les Flandres avec la Cour. Le cortège royal traverse les plaines du plat pays. Athénaïs, Blanche et Aglaé entonnent de vieilles comptines. Louis les accompagne à la guitare. Un valet sort des volailles rôties de paniers d’osier. Le roi adore voir ses femmes se restaurer, lui ne mange jamais en dehors des repas.
— Nous serons à Amiens le 16 mai, annonce-t-il. Nous allons prendre d’assaut Armentières, Charleroi, Eckelsbeke et Furnes. J’espère que cette guerre sera rapide comme l’éclair.
Blanche s’est renseignée : Charles fait partie des armées de Turenne. Elle croise les doigts. Guette les dépêches. Turenne inspecte ses fantassins et ses cavaliers sur la rive droite de la Somme. Le maréchal d’Aumont monte la garde près d’Abbeville. Au passage de la suite, les villageois se pressent pour admirer les carrosses dorés rehaussés de plumes et les chevaux de parade harnachés de rouge. Des paysannes en guenilles lorgnent les robes de soieries et de pierreries de la reine, de Julie de Montausier, première dame d’honneur, de Mlle de Montpensier et des princesses de Bade. À Amiens, le roi se sépare de ses dames pour rejoindre les troupes. Logées sous la tente, les suivantes font la conversation à la reine lors de déjeuners sur l’herbe, de soirées sous la lune. Athénaïs réjouit l’assemblée de son mordant. Aglaé se pique d’histoire : elle sait tout sur Rome et la Grèce. Blanche amuse Marie-Thérèse avec ses meilleures répliques. Le théâtre lui manque. Molière lui a assuré qu’elle serait de sa prochaine création à l’automne. Retrouvera-t-il ses forces ? Aura-t-il assez d’audace pour continuer à égratigner les fâcheux ?
Le 7 juin 1667, après une halte à Compiègne, la reine et ses abeilles se posent à Avesnes, dans le Nord-Pas-de-Calais. Les tentes sont déployées, les tables dressées. Il est onze heures du matin. Sous un châtaignier, Athénaïs joue aux dés avec Marie-Thérèse. Une cavalière apparaît au bout d’un champ de blé.
— N’est-ce pas mademoiselle de La Vallière ? Comment ose-t-elle désobéir aux ordres de Luis ? Cette catin l’a poursuivi jusqu’ici ! Una puta ! s’époumone Marie-Thérèse, au bord de l’hystérie.
En sueur, cheveux en bataille, joues empourprées, Louise
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