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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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curé paillard dégrafe le corsage de la marquise, la bascule sur le dossier de la chaise, place les cœurs entre ses seins nus. Les yeux fixés sur ses tétons, il lit sa conjuration en crachotant :
    — Astaroth Asmodée et vous, princes des profondeurs, je vous conjure de bien vouloir accepter ma requête afin d’obtenir les grâces de Sa Majesté et de faire disparaître de la Cour mademoiselle de La Vallière ainsi que les dames d’honneur qui pourraient nuire à son estimable cause.
    Mariette dessine une croix sur la poitrine de la Montespan :
    — Madame, je dirai une messe pour vous dimanche. Pendant l’élévation, je placerai ces viscères sous le calice avec vos demandes. Il serait bon que vous soyez présente. Afin que Satan agisse à sa guise, la coutume exige que trois messes soient dites.
    Athénaïs acquiesce, lui donne une bourse, se dérobe. La Des Œillets et Blanche lui emboîtent le pas. Il fait noir. Une chauve-souris frôle le crâne de la comédienne. Des chouettes hululent.
    Dans sa chambre, Athénaïs ordonne à la Des Œillets de ne rien dire à quiconque, faute de quoi elle la ferait fouetter jusqu’à ce que mort s’ensuive. La chambrière s’éclipse. Blanche se pelotonne dans un fauteuil :
    — J’ai peur pour Louise, je ne veux pas qu’il lui arrive du mal.
    — Blanchette, tu es mon amie, ma petite sœur. Comprends-moi. J’aime le roi à la folie. Il n’arrive pas à se séparer de Louise : il a pitié d’elle, se sent coupable. Il est de mon devoir de l’aider. Je me dois aussi de le protéger d’Aglaé. J’agis par amour, pour son bien. Tu me soutiens, n’est-ce pas ?
    — Tu crois vraiment au pouvoir de Satan ?
    — Toi qui as vécu en Bretagne, tu connais la puissance des druides. En des temps reculés, on vénérait des dieux et déesses qui incarnaient les forces du bien et du mal. Ils menaient un combat sans merci. L’avènement du Dieu unique a rompu l’équilibre. L’Église prétend que le Malin est à jamais vaincu : il suffit de regarder autour de soi pour être convaincue du contraire. Satan reste le maître du monde. Lorsqu’on lui offre un sacrifice et qu’on l’exhorte, il lui arrive d’intervenir en notre faveur.
    — Je vois, dit Blanche, dubitative. Qu’espères-tu de lui ?
    — Que le roi m’honore et m’aime jusqu’à ce que je devienne reine.
    — Mais tu as un mari… proteste Blanche éberluée par l’ambition démesurée d’Athénaïs.
    — Qu’il continue à trousser la gueuse et me fiche la paix !
    Blanche étouffe, s’apprête à ouvrir une fenêtre. Athénaïs l’attire vers son lit :
    — Je t’aime, ma petite Bretonne. Toi aussi, tu auras besoin que ton Charles te reste fidèle. Viens près de moi, parle-moi de lui.
    — J’ai été déçue le soir de la première d’ Andromaque  : il n’a pas voulu que je salue sa mère.
    Athénaïs éclate de rire :
    — La prochaine fois, nous jetterons un sort à cette vieille bique.
     
    Le dimanche suivant, Athénaïs et Blanche se font conduire à Saint-Séverin pour assister à la messe du père Mariette. Une semaine plus tard, elles se rendent chez Lesage, rue de la Tannerie. Dans le cabinet du magicien, Mariette récite le Veni Creator sur la tête d’Athénaïs, avant d’étaler des os d’enfants morts sur un autel éclairé de cierges noirs. Horrifiée, Blanche s’enfuit.
    À son retour à Saint-Germain, elle se sent fiévreuse. La tête lourde, elle garde le lit pendant deux jours. Athénaïs lui fait porter des tisanes, l’entoure d’affection. Peu à peu, la jeune fille récupère. Le temps s’adoucit. Les deux amies sortent les chiens de la reine, rendent visite aux fermiers du château… Athénaïs adore jouer les bergères.
     
    Louis XIV combat. Privés des fêtes de Carnaval, les courtisans s’ennuient. Athénaïs ronge son frein. Aglaé s’empiffre. Louise défraîchit, comme une violette cachée sous l’herbe.
    Aux Pâques, entre deux batailles, le roi retrouve ses favorites. Malgré le vent frais, il les emmène en promenade, l’une à sa droite, l’autre à sa gauche. Blanche s’offusque qu’Athénaïs continue à feindre la complicité avec Louise.
    Dès que Louis s’en retourne sur la ligne de front où le Grand Condé s’empare de Salins et de Luxembourg, la Montespan fait appeler Blanche et la Des Œillets :
    — Vivement que cette guerre se termine ! Les trois messes n’ont servi à rien. Je ne vais pas accepter

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