La Revanche de Blanche
une alliée. Mais ne lui ferait-elle pas comprendre qu’être comédienne est inconvenant dans le monde ?
Les ovations la tirent de ses rêveries. Les spectateurs rappellent les comédiens, cinq fois, dix fois. La troupe s’écarte, Racine s’avance. Un petit sourire relève sa moustache. Il s’incline – presque jusqu’à terre. D’un mouvement du bras, il invite le parterre à remercier Marquise qui croule sous les fleurs. Charles propose à Blanche de le féliciter. Au cœur d’un attroupement chaleureux, Charlotte de Bouillon joue des épaules, bouscule Blanche :
— Cette petite est toujours fourrée partout. Une vraie sangsue !
— Grosse truie ! lui jette Charles.
Blanche jubile. Les jeunes gens attendent leur tour, abordent enfin Racine. Le poète s’essuie le front, se détend :
— Mademoiselle de La Motte, je vous ai vue jouer dans Dom Juan. Vous avez bien fait de suivre votre voie. Si je puis me permettre, vous possédez des qualités qui mériteraient d’être soutenues. À force de se limiter au comique, on finit par en acquérir les tics. Votre nature, il me semble, vous porterait à des rôles plus sensibles. Vous feriez une belle tragédienne.
Blanche se hisse sur la pointe de ses escarpins :
— Monsieur Racine, pensez-vous qu’un jour je puisse être formée par vos soins ? J’étais très jeune quand je vous ai fait part de mon désir de jouer. À présent, je mesure le chemin qu’il me reste à parcourir.
— Rendez-moi visite à l’hôtel de Bourgogne. Nous causerons.
Sur les marches du palais, Charles prend son air grave, un peu sentencieux :
— Racine t’offrira un meilleur avenir que Molière. Son plaisir est de plaire au roi. Il s’y emploie mieux que tout autre. Cette pièce lui attirera des compliments et fera des envieux.
— Je ne peux pas trahir Molière. Il a trop souffert, se ravise Blanche.
— Il te faudra choisir entre l’ombre et le soleil.
Déconcertée, Blanche s’étonne que Charles fasse fi de ses sentiments pour Jean-Baptiste.
— L’amitié comme l’amour sont nos biens les plus précieux. Le reste n’est que folie, insiste-t-elle, fière de sa maxime.
— Des grands mots ! Tu es trop romanesque, ma chérie, trop éloignée des réalités, c’est ce qui fait ton charme, d’ailleurs.
Au bras de Mme de Sablé, Mme de Longueville descend avec précaution l’escalier d’honneur. Blanche s’avance vers elle pour la saluer. D’un geste ferme, Charles la retient par le bras et l’attire dans son carrosse où il ferme les rideaux de soie verte, l’embrasse avec ferveur. N’y tenant plus, il se déboutonne, saisit la main de Blanche, lui prend la tête, la plaque sur son membre, le fourre dans sa bouche. Elle choisit la lenteur. Il gémit. Elle inspire, replonge jusqu’à ce qu’il s’épanche dans sa gorge . Ils éclatent de rire, s’enlacent, s’étourdissent d’une farandole de mots d’amour.
La voiture s’arrête devant l’hôtel de Condé. Au travers de hautes fenêtres, brillent des lustres de Venise. Charles caresse la joue de Blanche, saute à terre et ordonne au cocher de la reconduire dans le Marais.
— Tu me manques déjà, lui crie-t-il.
En chemise de nuit de dentelle, Ninon feuillette La Gazette . Inquiète que sa marraine lui en veuille d’être rentrée de son côté, Blanche s’assied au bout de son lit. Ninon enlève ses lunettes :
— Quel talent ce Racine ! La Du Parc lui donne des ailes… Tu es rentrée avec Charles, n’est-ce pas ? Je suis ravie que tu fleurettes avec ce garçon. Ne lui accorde rien sans qu’il t’ait demandé en mariage. C’est tout ou rien ! Je n’aimerais pas que tu prennes des risques inconsidérés.
— Tu veux dire que je pourrais être grosse. Je ne suis plus une enfant, nous avons… Enfin, tu vois ce que je veux dire, avoue Blanche.
— Tu as sauté le pas ! On va fêter ça. Plaignons les tourterelles qui ne baisent qu’au printemps. Si je peux te donner un conseil, à l’avenir, mieux vaut rester prudente et te protéger. Voici une éponge que tu mettras dans ton vagin. Après l’amour, n’oublie pas de t’agiter dans tous les sens et d’asperger tes parties intimes de lessive de soude.
Gênée par cette intimité, Blanche fait la moue et relate à Ninon sa conversation avec Racine.
— N’abandonne pas Molière, suggère Ninon. Il se terre à Auteuil où il termine d’écrire Amphitryon . Il y a peu de rôles de
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