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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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nourrice respectable. J’espère que tu n’accoucheras pas à l’heure de mon salon.

20
    Terrée chez elle, Blanche se traîne. Il lui semble que sa peau va se déchirer. Elle ne supporte plus cet intrus qui l’envahit, cogne, se débat, comme s’il voulait forcer les portes de son bas-ventre. Un émissaire du roi lui fait porter une lettre l’informant que l’accouchement aura lieu chez le sieur Leroy, rue du Regard. M. Philippe de La Queue, ancien capitaine de cavalerie, et Gabrielle de Maison-Blanche, sa femme, reconnaîtront l’enfant.
     
    Le 1 er  mai, à huit heures du soir, Blanche commence à sentir les premières contractions. Elle ordonne à Blase de l’accompagner rue du Regard, de prévenir Clément. La tête sous une capuche de mousseline violette, elle entre dans la maison du sieur Leroy. Un vieux bossu, boule à zéro, la conduit par un escalier de bois dans une chambre aux volets fermés. Elle s’allonge sur un petit lit inconfortable. Sur un coffre, une carafe d’eau, une bassine en faïence, des linges. Les douleurs, de plus en plus rapprochées, deviennent intenables. Blanche mord son poignet, se griffe, se pince. Clément arrive, en nage. Il la palpe :
    — Madame, je ne vous mentirai pas : nul ne connaît l’issue de votre délivrance.
    À minuit, Blanche ne peut retenir ses cris. Blase lui prend la main. Clément la saigne, examine les humeurs, opine, soupire, ordonne qu’on lui fasse boire une potion qu’elle recrache aussitôt.
    — Tout vient à point à qui sait attendre. Le fruit est mûr, madame. Poussez, que diable, et respirez. Je vois le crâne. Nous y sommes.
    Blanche rassemble ses dernières forces, hurle, se cambre, sent son ventre se vider, son sexe se déchirer.
    — Une belle garce de fille ! s’exclame Clément qui fesse le bébé.
    Au cri du nourrisson, Blanche s’évanouit. Il est une heure du matin. À son réveil, Blase ronfle près d’elle sur une chaise.
    — Où est-elle ? Où est ma petite ? Comment va-t-elle ? Blase…
    — Elle est chez une nourrice, mademoiselle. Pas loin de chez vous. Il faut que j’aille dire à monsieur La Queue comment vous l’avez nommée et je reviens vous chercher.
    — Marquise, Louise, Marie-Thérèse, annonce Blanche d’une voix hésitante.
    Blase écrit sur une feuille : En ce 2 mai 1670, est née Marquise…
    — Quel nom de famille on met ? La Queue ?
    — Elle portera le nom de l’épouse, Marquise de Maison-Blanche.
     
    En fin de journée, Ninon emmène sa filleule faubourg Saint-Jacques, chez Margot Percheron. Après avoir négocié ses gages, cette matrone joviale qui vient de mettre au monde un petit garçon, a accepté de prendre Marquise au sein. Les nouveau-nés dorment côte à côte dans un grand berceau : César, boule de muscles, velu, noiraud et Marquise, fine, chauve, encore un peu fripée.
    — Une vraie petite pomme ! s’attendrit Ninon.
    — Elle n’est pas goulue : elle boit deux fois moins que César, mais elle dort, ça ! On ne l’entend pas, radote Margot.
    Blanche prend sa fille dans ses bras. Marquise esquisse un sourire, bavote, ouvre des yeux bleu ciel. Le père Dieulafé entre, clopin-clopant :
    — Bonjour, mon père, un p’tit coup de gnôle ? propose Margot.
    — Pas de refus.
    Il baptise Marquise et César, reprend un verre, s’en retourne à ses ouailles. Margot colle Marquise à son sein droit, César au gauche. Blanche promet de revenir tous les jours. Comment dire au roi qu’elle a enfreint ses ordres ? Se laissera-t-il attendrir un jour ?
     
    Aux premières chaleurs, Blanche a retrouvé sa taille de jeune fille. Un bel après-midi de juin, elle traverse la place Royale inondée de soleil. Ninon a invité Françoise Scarron, Marie de Sévigné et Marie-Madeleine de La Fayette.
    — Madame est morte ce matin. Dieu que ce 30 juin 1670 est triste ! soupire la marquise de Sévigné. Une mort bien étrange : Henriette venait de boire un verre d’eau de chicorée glacée lorsqu’elle fut prise d’atroces douleurs. Bossuet l’a bénie. Elle a expiré cette nuit, après neuf heures d’agonie, persuadée d’avoir été empoisonnée. Le roi soupçonne tout le monde, en particulier, le chevalier de Lorraine, l’amant de Monsieur.
    Blanche frémit. Elle se souvient de la haine qu’éprouvaient pour Minette Olympe de Soissons et Vardes. Madame avait des ennemis. Qui l’a tuée ?
    — Quelques heures après sa mort, poursuit la marquise, le

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