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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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rassure : si Charles apprenait sa grossesse, lui ne serait pas si jaloux, si malotru.
     
    Conseillée par Ninon, Blanche se résout à prévenir le roi. Elle a attendu, trop attendu. Le 1 er  avril, vêtue de son « innocente » et d’une cape de lin sable, elle grimpe dans son carrosse qui s’élance vers Saint-Germain-en-Laye. Sur la route, bordée d’arbres en fleurs, moutons et vaches paissent sans se soucier du reste.
    Au Château-Vieux, elle va d’abord saluer Louise. Plongée dans L’Imitation de Jésus-Christ, La Vallière est aussi fluette qu’une communiante.
    — Bonjour, ma bonne. Je viens de perdre mon enfant, trois mois avant le terme. Prions pour lui, voulez-vous, l’intime Louise.
    Blanche joint les mains. Louise se tourne vers la croix, s’illumine :
    — Le sang que je perds est le vôtre, Seigneur. Vous m’avez montré mon tombeau. Je me suis vue mourir pécheresse, couverte de crimes. J’allais franchir les portes de l’enfer, sans pénitence, sans conversion. Le poignard dans la gorge, je vous implore d’être miséricordieux. Je veux renoncer au monde, mépriser ses vanités, libérer mon âme de la pourriture et de la gangrène.
    Blanche l’abandonne, se dirige vers les appartements d’Athénaïs. Entourée de sa cour, la Montespan lance bons mots, piques, fourches et broches à volonté.
    — Chère amie, quelle prestance ! Tes rondeurs t’avantagent, ironise-t-elle en attirant Blanche près de la fenêtre. Figure-toi qu’au cours d’un petit souper privé, la marquise de Sévigné s’est interrogée sur le nom de ces mystérieux pères de nombre de bâtards qui fleurissent en ce printemps. Par chance, elle a eu la délicatesse de ne pas faire allusion à la naissance, le 31 mars, de mon fils, Louis-Auguste de Bourbon.
    Blanche se tait : Athénaïs ferait-elle allusion à sa grossesse ? Dans le doute, elle s’esquive. Monsieur mélange ses cartes, la dévisage, se trémousse :
    — Vous nous quittez déjà ! Vous ennuieriez-vous en si belle compagnie ? Si l’on en croit Pascal, le divertissement est une manière de fuir la mort. Et je ne suis point pressé, sinon de m’amuser. Jouons : la mort attendra.
    Déjà loin, Blanche se fait annoncer par un garde posté devant les bureaux du roi. Colbert en sort, indifférent. « Le Nord » porte bien son surnom. L’œil pétillant, La Rochefoucauld s’incline. Dans une pièce aux murs couverts de tapisserie, raide sur sa chaise, Louis lève à peine les yeux de ses papiers :
    — Vous nous avez oublié, ma chère. J’en fus très peiné, dit-il en signant une dépêche.
    — Majesté, ce qui m’arrive me permet de solliciter votre indulgence.
    — Auriez-vous décidé d’épouser l’arrogant chevalier de La Boissière ?
    — Je ne tiens pas à me marier, Majesté. Ce qui m’amène vous concerne.
    — Souhaitez-vous que j’augmente votre rente ? Parlez, j’ai à faire…
    — Sire, je suis grosse de vous. Si j’en crois mon médecin, votre enfant naîtra dans deux mois, peut-être même avant.
    Louis se crispe, s’approche la fenêtre et, après un long silence, déclare :
    — Vous êtes bien imprudente d’être venue ici à la vue de tous. Que vous soyez grosse est la volonté de Dieu, que ce soit de moi est un honneur. Nous organiserons votre délivrance dans la plus grande discrétion. Le nourrisson sera confié à un couple honnête. Nous vous ferons connaître nos ordres en temps voulu. À présent, je vous prie de quitter les lieux.
    Blanche recule à petits pas. Louis la raccompagne :
    — Réservez vos larmes pour le théâtre, ma chère, et montrez-nous que vous êtes raisonnable. Nous nous reverrons quand tout sera réglé. Je tiens à vous, n’est-ce pas suffisant ?
     
    Secouée par les ornières, Blanche se surprend à souhaiter un accident. Des souvenirs affluent : odeur de pisse, de crottes, cris des marmots, nuits entières à appeler sa mère. Jamais, se promet-elle, jamais je ne ferai subir à cet enfant ce que j’ai souffert.
    Aux portes de Paris, elle ordonne à son cocher de la conduire à l’hôtel de Sagone. Il est dix heures du soir. Les laquais empilent les chaises d’une réception. Elle tombe dans les bras de sa marraine :
    — Le roi veut que l’enfant me soit enlevé ! Je t’en supplie, aide-moi, je veux le garder près de moi.
    — Calme-toi, ma chérie, la réconforte Ninon en lui caressant les cheveux. Nous trouverons une solution, une

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