La rose de Raby
longue robe rouge sang à amples manches, dont le col et les poignets étaient bordés de fourrure. Les hauts-de-chausses verts qui couvraient ses jambes étaient glissés dans des bottes en cuir souple marron, avec des boucles d'argent. C'était un soldat, se dit Kathryn, mais aussi un homme rompu à la mielleuse subtilité de la cour.
Il portait à son cou une chaîne d'argent à laquelle était suspendu un médaillon du même métal aux armes des York. Une lourde et large ceinture de guerre en cuir pendait à ses épaules, et il la tendit au chambellan quand il avança pour s'agenouiller et baiser l'anneau de Bourchier.
Suivirent les présentations. Venables et Spineri, en hommes de cour accomplis, prirent chacun à leur tour la main de Kathryn pour l'effleurer des lèvres. Spineri était expansif et parlait un anglais à fort accent qu'il émaillait d'un mot italien de temps en temps. Venables, qui avait un parler plus doux, était sur ses gardes, tendu comme un chat. Kathryn semblait l'intéresser davantage que les deux autres, comme s'il avait hâte de prendre sa mesure et découvrir qui elle était réellement. Sous son regard inquisiteur, Kathryn rougit de confusion.
—
Nous sommes-nous déjà rencontrés, Maître Venables ?
Un sourire plein d'affectation éclaira le visage sévère de l'écuyer.
—
Non, Maîtresse, mais je le regrette.
Les galanteries s'arrêtèrent parce que Bourchier ordonna aux serviteurs de disposer davantage de sièges autour du feu. On apporta un plateau de gobelets et une assiette de fruits confits. Kathryn vit avec plaisir une timbale incrustée de pierreries. Le vin blanc d'outre-Rhin que l'on avait pris soin de mettre à rafraîchir était froid et parfumé. On s'assit, plus loin du feu, cette fois, Spineri à côté de Kathryn, et Venables à côté de Luberon.
—
Le temps passe, attaqua Bourchier, si bien que je ne m'attarderai pas longtemps. Maîtresse Swinbrooke a accepté la mission que je lui ai confiée.
—
Puis-je dire que je n'ai jamais connu d'Advocatus Diaboli plus charmant?
intervint Spineri avec un sourire.
Il baissa ostensiblement la voix :
—
J'attends avec impatience de vous rencontrer dans la lice, afin que nous nous mesurions non pas à l'épée, mais avec nos esprits. Qu'en dites-vous, Maîtresse ?
Venables prit la parole.
— Cela prendra-t-il longtemps ?
Il semblait irrité que Spineri soit près de Kathryn, et aussi de la galanterie qu'il lui témoignait.
—
Comment prévoir la longueur d'un morceau de ficelle ? demanda Spineri. Maîtresse Swinbrooke, je ne vous ennuierai pas avec le droit canonique. Cependant, l'Avocat du Diable est l'initiateur. Vous pouvez exiger tout ce que vous voulez.
—
Existe-t-il des documents sur Atworth? interrogea Kathryn.
—
Quelques-uns, sans doute entre les mains des moines.
— Et les gens de sa vie antérieure?
—
Il y a quelques vieux soldats établis à Cantorbéry et dans les alentours.
—
Je n'irai pas les voir, déclara Kathryn. Ils peuvent, s'ils le veulent, venir à moi.
Venables l'observait attentivement. Spineri semblait plus occupé à déguster son vin. Kathryn avait jaugé le cardinal jovial et replet. C'était un homme tout entier dévoué au roi. Si Cécile d'York voulait faire canoniser son chat, le cardinal Spineri n'y verrait sans doute guère d'objection.
—
Et ces miracles? Ils ont dû arriver à des gens d'ici?
Bourchier opina du chef.
— J'aimerais examiner ces personnes.
—
Vous mettez en doute les miracles? demanda Venables avec force.
—
Je ne mets rien en doute, monsieur. Je me contenterai d'avancer des preuves afin que Son Éminence prenne sa décision elle-même, rétorqua Kathryn. Mais d'abord et avant tout, il faut que j'interroge le prieur Anselm et d'autres. Enfin, on devra exhumer le corps d'Atworth.
Venables sourit à Kathryn, hochant la tête en signe d'assentiment.
—
Est-ce que ce sera vraiment nécessaire ? protesta Spineri.
—
Si le cadavre n'est pas décomposé, Votre Éminence...
Spineri se rembrunit.
—
En définitive, conclut Kathryn, l'Église a besoin de preuve de sainteté.
J'ai la conviction que la dépouille de frère Atworth peut révéler la vérité.
Elle but une gorgée de vin en réprimant un frisson. Elle garderait ses intentions pour elle, au milieu de ces hommes cachottiers et rusés.
Cependant, elle ressentait une crainte insidieuse : cette affaire recelait de nombreux secrets, et elle se demandait si la
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